Il y a dix ans de cela, le 12 janvier 2005, le législateur belge adoptait une loi « de principes concernant l’administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus », plus connue sous le nom de « loi Dupont » (du nom du professeur qui présida les travaux de la commission dont elle est issue).
Annoncée depuis 1996, cette loi était porteuse d’espoir pour le monde carcéral en général, et les détenus en particulier.
La philosophie sous-jacente était en effet que les détenus restent des citoyens et sujets de droit à part entière. Dans cet esprit, la loi rappelait quelques principes essentiels, comme le fait que la sanction consiste uniquement dans la privation de la liberté de mouvement (sans qu’on ne puisse y ajouter d’autres éléments punitifs), ou le fait qu’il faille tout mettre en œuvre pour empêcher les effets préjudiciables évitables de la détention.
La loi reconnaissait aux détenus non seulement un certain nombre de droits fondamentaux mais aussi les moyens de faire valoir ces droits. Entre autres choses, elle fixait ainsi en détails les conditions de vie dans la prison (travail, visites, soins de santé…), réglementait les mesures de contrôle et de sécurité (fouilles, placement en régime strict…), aménageait le régime disciplinaire des détenus et instaurait un droit de plainte en leur faveur.
Las ! Dix ans plus tard, près de la moitié des dispositions votées à l’époque ne sont toujours pas entrées en vigueur. Parmi celles-ci, quelques-unes sont pourtant cruciales, notamment celles liées au droit de plainte ou au plan de détention individuel.
Le 4 octobre 2013, l’Etat belge a d’ailleurs été condamné par le tribunal de première instance de Bruxelles pour le préjudice causé à un détenu du fait de cette absence fautive de mise en vigueur de la loi. Sans réaction depuis lors.
Ce que l’on célèbre aujourd’hui, c’est donc malheureusement avant tout l’incurie de notre classe politique, qui a prétendu s’attaquer au déficit législatif caractérisant la vie en prison, sans avoir le courage de mettre véritablement en œuvre cette réforme. En votant la loi du 12 janvier 2005 (au terme, en l’occurrence, d’un processus de réflexion approfondi et moyennant un large consensus parlementaire), le législateur reconnaissait qu’un changement de pratique s’imposait, mais dix ans plus tard, la mise en œuvre de ce changement est encore en bonne partie lettre morte.
Comme la Cour européenne le rappelle de longue date, « le droit ne saurait s’arrêter à la porte des prisons ». En Belgique, il semble pourtant bien que ce soit encore très largement le cas…
Signataires : l’Association Syndicale des Magistrats, la Ligue des droits de l’Homme, l’Observatoire International des prisons et Avocats.be