Le 23 juillet 2020, la Cour européenne des droits de l'homme (CrEDH) a rendu son jugement dans l'affaire M.K. and Others vs. Poland. Les requérants faisaient partie d'un groupe de personnes qui, le 17 mars, s'étaient vus interdire l'entrée en Pologne, au poste frontière de Terespol. Ils avaient reçu une assistance juridique pro bono de la part d'avocats de l'Association du barreau de Varsovie, qui a travaillé aux côtés d'ONG, dont la Fondation d'Helsinki des droits humains (FHDH), l'Association pour l'intervention juridique, et Constanta, une ONG basée dans la ville de Brest en Biélorussie.
Les gardes-frontières ignorent systématiquement les demandes d'asile
La Cour a conclu que, contrairement aux affirmations des autorités polonaises, les réfugiés avaient présenté des demandes de protection internationale mais que ces demandes avaient été ignorées par les gardes-frontières. La CrEDH a également conclu que ces refus ont été de nature systématique au poste de frontière de Terespol. Cela a été confirmé par des sources comprenant notamment des rapports de plusieurs ONG (la FHDH, l'Association pour l'intervention juridique, Amnesty International et l'ONG biélorusse Constanta), mais aussi du Commissaire aux droits de l'Homme et du médiateur pour les enfants.
Les plaignants ont obtenu une mesure provisoire de la part de la CrEDH, dans laquelle la Cour a interdit aux autorités polonaises de refouler des demandeurs d'asile vers la Biélorussie. Cependant, suite à une décision sans précédent, le gouvernement polonais a décidé d'ignorer l'ordre de la Cour. Les plaignants ont par la suite tenté à plusieurs reprises et en vain de demander la protection internationale.
La CrEDH conclut que la Pologne a violé les articles de la CEDH suivants :
L'article 3 qui impose une protection contre la torture et les traitements inhumains et dégradants, car il existe un risque que les autorités biélorusses "livrent" les demandeurs d'asile aux autorités russes, qui pourraient à leur tour les transférer vers la Tchétchénie, que ces derniers ont fui de crainte d'être torturés. Les autorités polonaises ont violé cette disposition en refusant à plusieurs reprises d'accepter de recevoir et étudier les demandes de protection internationale, ce qui a conduit à des traitements inhumains.
L'article 4 du Protocole nº4, qui interdit l'expulsion collective d'étrangers. La Cour a conclu que, bien que des décisions individuelles de refus d'entrée aient été délivrées, les autorités, en ignorant les demandes d'asile des plaignants, n'ont pas examiné les situations personnelles de ces derniers. La CrEDH insiste sur le fait que cette pratique s'inscrit dans une politique plus large de l'État polonais.
L'article 13 de la Convention, lu en parallèle avec l'Article 3 de la Convention et l'Article 4 du Protocole nº4 de la Convention (l'incapacité de garantir le droit à un recours effectif). Toute décision de refus d'entrée est immédiatement applicable, ce qui signifie qu'un appel contre une telle décision, présenté auprès du Commandant des gardes-frontières, n'entraîne pas la suspension de l'exécution de la décision et que la décision en soi conduit à l'expulsion immédiate du demandeur d'Asile de la frontière polonaise.
L'article 34 de la Convention, lu en parallèle avec l'article 39 du Règlement de la Cour, relatif aux mesures provisoires. Les autorités polonaises ont refusé de respecter la mesure provisoire interdisant le refoulement des plaignants vers la Biélorussie et obligeant la Pologne à accepter de recevoir et examiner de manière effective leurs demandes de protection internationale.
La décision doit s'appliquer à d'autres affaires similaires
Les principes invoqués dans l'affaire M.K. and Others vs. Poland ne s'appliquent pas uniquement aux cas spécifiques sur lesquels porte ce jugement : ils s'appliquent à toute autre situation similaire. Une exécution effective de ce jugement devrait par conséquent impliquer un changement dans la pratique actuelle de refus des demandes d'asile des ressortissants qui cherchent une protection à la frontière est de la Pologne.
Au cours des procédures devant la CrEDG de Strasbourg, les requérants ont été représentés pro bono par Mme Sylwia Gregorczyk-Abram, Mme Maria Radziejowska et M. Jacek Białas de la Fondation d'Helsinki des droits humains (FHDH), ainsi que par Mme Marcjanna Dębska et Mme Emilia Barabasz.