Le 28 juin 2021,
Mesdames et Messieurs les députés du Parlement européen,
En tant qu'organisation de la société civile qui défend les droits fondamentaux, les valeurs démocratiques et les droits des consommateurs, nous saluons la proposition de législation sur les marchés numériques. Elle constitue une première étape essentielle en vue de trouver des solutions et afin de contrer certaines conduites nuisibles et caractéristiques des marchés financiers qui amènent une poignée d'entreprises à contrôler des services essentiels dans l'économie numérique.
Malheureusement, la proposition de la Commission européenne, bien qu'elle constitue un bon début, n'établit pas de règles qui offrent davantage de droits aux consommateurs. De telles règles ouvriraient la voie à des marchés numériques plus justes et plus concurrentiels, ceux-ci étant actuellement gardés et contrôlés par un nombre limité de contrôleurs d'accès (aux marchés).
Le Parlement européen a une occasion unique de renforcer la législation sur les marchés uniques en :
1. Ajoutant une obligation d'interopérabilité pour les services des plateformes essentielles, comme les réseaux sociaux et les applications de messagerie instantanée
L'interopérabilité est un outil clef en vue de rendre les marchés numériques plus innovants et dynamiques, car elle garantit une plus grand concurrence et davantage d'innovations, et limite les risques de voir les marchés dominés par une poignée d'entreprises (qui contrôlent la base d'utilisateurs). Cela offre aux utilisateurs de riches alternatives à l'heure de choisir quel service en ligne utiliser. Il est important de noter que l'interopérabilité ouvre la voie à l'émergence de services alternatifs construits sur la base de modèles économiques variés, y compris des modèles plus respectueux vis-à-vis des droits.
Si la législation sur les marchés numériques crée une interopérabilité pour les services auxiliaires dans l'article 6(1)(f), cela est insuffisant. Une obligation d'interopérabilité pour les services des plateformes essentielles, notamment pour les services des réseaux sociaux et de messagerie instantanée, est nécessaire afin que les utilisateurs puissent avoir le contrôle de leurs données personnelles et de leurs expériences en ligne.
2. En garantissant que la législation prévoit des dispositions d'exécution effectives
La législationi sur les marchés numériques doit continuer de reposer sur les obligations d'auto-exécution telles qu'elles sont actuellement proposées. Une fois que les co-législateurs auront décidé quelles obligations les contrôleurs d'accès doivent respecter dans l'intérêt de la société, ces derniers ne devraient pas pouvoir contester ces obligations et ne pas les appliquer. Cela entraverait ou retarderait l'efficacité de la législation et serait contraire au processus démocratique.
En outre, les consommateurs et les représentants de la société civile, ou autres tiers, doivent avoir le droit de (1) déposer des plaintes officielles si les contrôleurs d'accès ne respectent pas leurs obligations en vertu de la législation sur les marchés numériques et (2) être entendus lors des processus de prise de décisions en vertu de cette même législation (articles 7 et 25, et articles 14-17 relatifs aux enquêtes sur le marché) afin de garantir la transparence et effectivité du processus. Les pouvoirs d'application de la Commission doivent être renforcés afin d'assurer que les contrôleurs d'accès respectent de manière effective leurs obligations en vertu de la loi sur les marchés numériques.
3. En renforçant les mesures d'anticontournement et rendre explicite l'interdiction d'avoir recours à des interfaces truquées
L'article 11 sur l' anticontournement doit inclure une interdiction claire d'avoir recours à des interfaces truquées et autres techniques d'interfaces utilisateur qui visent à influencer le choix des utilisateurs finaux ou manipuler leur prise de décision, ce qui porterait atteinte aux obligations des contrôleurs d'accès prévues aux articles 5 et 6 de la législation.
4. Renforcer la position des utilisateurs finaux
Actuellement, la législation se concentre la relation entre les contrôleurs d'accès et les utilisateurs professionnels (entreprises utilisatrices), et non sur la relation entre contrôleurs d'accès et utilisateurs finaux. L'article 10(2)(a) l'illustre bien, ce dernier limitant la contestabilité des services de plateforme essentiels lorsqu'il existe "un déséquilibre entre les droits et les obligations des entreprises utilisatrices et que le contrôleur d’accès obtient un avantage des entreprises utilisatrices qui est disproportionné par rapport au service fourni par le contrôleur d’accès aux entreprises utilisatrices".
Cela ne prend pas en compte le déséquilibre des droits et obligations entre contrôleurs d'accès et utilisateurs finaux. Ces derniers sont pourtant exposés à une potentielle exploitation via de nouveaux types de pratiques de la part des contrôleurs d'accès. Pour régler ce problème, nous proposons que l'article 10(2)(a) couvre également le déséquilibre des droits et obligations pour les utilisateurs finaux.
Nous vous remercions de prendre en compte ces considérations dans les discussions en cours et restons à votre disposition en vue d'élaborer ces recommandations stratégiques.
Cordialement,
Amnesty International
ARTICLE19
BEUC – The European Consumer Organisation
Bits of Freedom
Centrum Cyfrowe
Civil Liberties Union for Europe (Liberties)
Corporate Europe Observatory
Digital Courage
Deutsche Vereinigung für Datenschutz e.V.
Electronic Frontier Foundation
European Digital Rights (EDRi)
Homo Digitalis
LobbyControl
Open Society European Policy Institute
Panoptykon Foundation
Privacy International