Cette année, le discours de l'état de l'Union de J.C. Juncker, président de la Commission européenne peut être vu comme un appel au changement en Europe.
Après des années de déclin économique et de déception, le président de la CE a pour la première fois, été en mesure d'envoyer une message fort qui a trouvé un écho favorable dans les médias européens. Sa vision de l'Europe vise à réduire l'écart entre les pays de l'Europe occidentale et ceux de l'Europe centrale et de l'Est, mais est pour l'heure pratiquement impossible à atteindre. Cependant, sa promesse de renforcer le patrimoine démocratique de l'UE, ainsi que de poursuivre l'intégration économique, constitue un bon signe, annonçant l'avènement d'une Europe qui écoute mieux ses citoyen.nes et représente mieux les réalités de ses communautés.
"Notre union a besoin d'un sursaut démocratique. Trop souvent, les élections européennes n'ont été réduites qu'à des sommes de campagnes nationales. La démocratie européenne mérite mieux. Nous devons donner aux partis politiques européens les moyens de mieux s'organiser", a expliqué le président de la CE lors de son discours de l'état de l'Union.
Même les institutions européennes admettent que le système de pétition citoyenne européenne ou l'Initiative citoyenne européenne (ICE) n'ont pas obtenu les résultats escomptés au cours des cinq premières années de leur application. Seules 50 initiatives ont été lancées, et quatre seulement ont recueilli les 1 million de signatures nécessaires. Des problèmes de nature semblable entourent les outils de la démocratie directe de l'UE : l'absence de véritables partis européens et la complexité du financement des partis font partie des obstacles empêchant les citoyen.nes d'avoir davantage confiance en l'UE.
Alberto Alemanno, universitaire et fondateur de l'initiative Good Lobby, pour le lobbying citoyen, a indiqué à Libertie, s'exprimant sur les mesures proposées par la CE : "Conformément au discours de Juncker, la Commission semble suggérer qu'il est temps pour l'UE de moins se concentrer sur les politiques mais davantage sur la politique, en impliquant si possible un plus grand nombre de citoyen.nes, à la fois lors des élections mais aussi au niveau civil. En outre, si la réforme de l'ICE encourage la démocratie participative la rendant plus ouverte aux citoyen.nes, la proposition sur le financement des partis politiques peut potentiellement renforcer la démocratie représentative au sein de l'UE.
Ce qui pourrait advenir
Les réformes de l'ICE, comprenant la réduction de la majorité électorale de 18 à 16 ans, visent à faciliter les démarches des citoyens pour lancer ou soutenir des initiatives, et ce, en introduisant plus d'outils numériques et en supprimant certains obstacles bureaucratiques. La CE se réserve également le droit de prendre des décisions quant aux ICE au niveau politique, afin d'accélérer et renforcer la reconnaissance des initiatives citoyennes. Par conséquent, seule l'initiative "stop Brexit" a été rejetée, celle-ci ne respectant clairement pas la réglementation en vigueur. Les citoyens auront la possibilité de faire traduire leurs initiatives gratuitement et de voter au moyen de cartes électroniques. Un site uniforme et simplifié sera également lancé et un service de collecte des données gratuit sera également mis à la disposition des organisateurs. Baisser l'âge de la majorité électorale à 16 ans pour soutenir une initiative permettra d'ajouter 10 millions de potentiels soutiens de la génération la plus formée en matière de technologies.
Selon Alemanno, cependant, "aucune de ces réformes proposées ne pourra à elle seule combler le fossé en matière d'autonomisation civique qui caractérise le processus décisionnel de l'UE. Cependant, elles seront à même de créer un environnement propice pour une élaboration des politiques axée sur les citoyens, à travers un accès simplifié à l'ICE, et une véritable représentation politique de l'UE en réduisant les barrières à l'entrée de nouveaux partis politiques européens. Afin d'atteindre cet objectif, la CE et le PE devront cependant achever leurs réformes portant leur le Parlement européen et sur le droit électoral de l'UE".
Mais, comme l'explique Alemanno, la réforme de l'ICE n'aborde pas une question épineuse, comme l'illustre la campagne d'initiative citoyenne contre le Glyphosate : que se passe-t-il lorsqu'une ICE empiète sur un processus décisionnel de l'UE en cours? Comment les un million de signatures pourraient-elles jouer un rôle dans une décision de comitologie en cours? La campagne contre le Glyphosate montre qu'il n'est plus crédible d'avancer qu'une ICE et les décisions quotidiennes sont des "bateaux qui se croisent dans la nuit".
De véritables partis européens
Avec la Constitution de l'UE et le traité de Lisbonne, la possibilité de donner vie à de vrais "partis européens" est devenue une réalité. Cependant, jusqu'à présent les familles politiques du PE des mosaïques de partis nationaux qui se rassemblent en groupes politiques dont les programmes sont lointainement similaires.
De ce point de vue, il n'y a eu que peu de changement depuis 2014 et l'introduction de la réglementation sur le statut et le financement des partis politiques européens et des fondations européennes, bien que le but soit d'accroître la visibilité, la reconnaissance, l'efficacité, la transparence et la responsabilité des partis politiques européens. La Commission Juncker vise par conséquent à faire adopter les amendements avant les élections du Parlement européen de 2019 afin d'apporter ces changements tant attendus.
Mais des problèmes compliqués demeurent, tel que celui soulevé par le fait que des membres individuels du même parti national financent la création de différents partis européens. Un autre problème crucial réside dans le faut que la répartition actuelle des fonds européens pour les partis européens n'est pas suffisamment adaptée à la taille de la représentation obtenue aux élections européennes. Afin de s'attaquer à ces deux problèmes de financement et de représentation, la CE propose d'augmenter la part des financements qui sont alloués en fonction de la part de voix obtenues, de 85% à 95%. À l'heure actuelle, 15% des fonds sont partagés entre tous les partis, quelque soit le nombre d'électeurs qu'ils représentent.
Alemanno considère que la proposition sur le financement des partis européens nous rappelle que l'Article 7 n'est pas la seule arme dont dispose l'UE pour se défendre du recul de l'état de droit dans certains pays membres, tels que la Hongrie et la Pologne. Cette réglementation prévoit un mécanisme de supervision (désormais davantage renforcé) de la conformité des partis politiques européens avec les valeurs fondamentales de l'UE. Tandis qu'il est actuellement négligé, ce mécanisme représente un mécanisme de sanction significatif qui devrait être davantage utilisé. Mais, tandis que 30% des eurodéputés appartiennent aux groupes politiques dont les partis nationaux sont, ou sont considérés comme populistes (par exemple le parti Fidesz fait partie du groupe PPE, Syriza et Podemos du groupe Greens-EFA, l'UKIP, l'AfD et M5S du groupe EFDD), son utilisation apparaît toujours comme un chemin à ne pas suivre.
Pas de recette miracle
Aucun citoyen.ne européen.ne rationnel ne devrait avoir de trop grandes attentes en ce qui concerne les mesures décrites plus haut, bien qu'aucune d'entre elles ne soit trop ambitieuse. Toutefois, après des années d'auto-défense de la part de la Commission, son président a été en mesure d'envoyer un message positif dont l'objectif est garder l'UE unie, et d'offrir conjointement de nouvelle idées afin de réduire le déficit démocratque de l'Union.
Comme l'a souligné J.C. Juncker : "Nous avons besoin de partis politiques européens avec une véritable dimension européenne et avec les moyens de faire la différence.