La semaine dernière, la Coalition italienne des libertés civiles, Access Now, Amnesty International, Bahrain Center for Human Rights, Digitale Gesellschaft, Elektronisk Forpost Norge (EFN), Foundation for Information Policy Research, la Fédération internationale des droits de l'homme, Privacy International, et Reporters sans frontières, ont publié une déclaration commune appelant à renforcer la protection des droits de l'homme et à exempter les outils de recherche et analyse, à l'heure où l'UE révise sa réglementation sur les biens à double usage.
La réglementation des biens et technologies à double usage
Les ONG ont salué la proposition présentée en septembre 2016 par la Commission européenne, visant à modifier les contrôles réalisés sur les exportations de biens à double usage, comprenant des biens, logiciels et technologies pouvant être utilisés à la fois à des fins civiles et militaires et/où pouvant contribuer à la prolifération des Armes de destruction massives (ADM).
Les organisations ont mis en avant le besoin de rester cohérent, la proposition étant étudiée au Parlement puis, ultérieurement, au cours de "trilogues" (réunions à huit clos).
"L'actuel cadre de l'UE n'est pas parvenu à protéger de nombreux activistes, défenseurs des droits de l'homme, journalistes, et usagers réguliers face à l'impact préjudiciable des technologies de cyber-surveillance", a déclaré Lucie Krahulcova, spécialiste des questions politiques européennes de Access Now. "Les efforts de la Commission en vue d'attirer l'attention sur l'impact de cette technologie sur la liberté d'expression et la vie privée sont louables et devraient être largement soutenus à travers les institutions de l'UE".
Quatre composantes clefs
Bien que les ONG se félicitent des mesures prises en vue de renforcer l'actuel régime de l'UE, elles estiment que quatre composantes clefs doivent être renforcées afin que la réglementation ait un véritable impact :
- Les protections des droits de l'homme doivent être renforcées et avoir un impact définitif
- La réglementation doit s'appliquer à la totalité des technologies de surveillance
- Un transparence accrue et une plus grande production de rapports sont nécessaires
- La recherche en matière de sécurité ainsi que les outils de sécurité doivent être protégés
Les ONG appellent notamment, et de manière explicite, à retirer de la liste les appareils de cryptographie, et à n'y inclure aucun nouvel outil dont l'intégration à la liste pourrait entraver la recherche en matière de sécurité, tels que les outils d'analyse. Dans leur déclaration, les signataires mettent en avant le fait que l'encryptage est essentiel à la sécurité des usagers, entreprises et gouvernements partout dans le monde, cette technologie permettant de renforcer l'intégrité des communications et systèmes.
"L'industrie obscure"
Le renforcement de l'attention médiatique sur ces questions a permis d'accroître la sensibilisation vis-à-vis du commerce controversé des technologies de cyber-surveillance en Europe et ailleurs dans le monde. À cet égard, l'eurodéputée Marietje Schaake parle d'une "industrie souterraine, opaque et obscure".
Une affirmation étayée par les enquêtes approfondies du De Correspondant (Security for Sale) et de Al Jazeera ("Spy Merchants: What is electronic surveillance?").
"Il ne s'agit pas de débattre de la nécessité ici. Les pays membres de l'UE sont tenus, en vertu des Principes directeurs sur le commerce et les droits de l'homme des Nations Unies, de légiférer en vue de s'assurer que les entreprises agissent dans le respect des obligations des États en matière de droits de l'homme", ajoute la député européenne.