La Journée de l'Europe est l'occasion de nous rappeler que ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise. L'Union européenne offre aux citoyens un moyen de se rassembler par-delà les différences nationales, culturelles et religieuses pour défendre des valeurs communes à tou.te.s, telles que la démocratie, l'état de droit et les droits fondamentaux. Les populistes aux tendances autoritaires font tout ce qui est en leur pouvoir pour nous diviser en fonction de nos origines, de nos croyances ou de notre orientation sexuelle.
Mais en réalité, pour la plupart, nous désirons la même chose, comme par exemple des dirigeant.e.s qui font ce qu'il y a de mieux pour leur peuple et des gouvernements qui nous donnent à tou.te.s les mêmes opportunités. À l'occasion de la Journée de l'Europe, nous devons nous souvenir des organisations de la société civile qui, aux côtés des journalistes et d'autres organismes de contrôle démocratique, s'efforcent de donner vie à ces valeurs et de préserver la liberté et l'équité de nos sociétés.
De plus en plus, ces gardiens de la démocratie sont attaqués, et pas seulement par les suspects autoritaires habituels. Les campagnes de dénigrement orchestrées par les gouvernements, les restrictions financières et les contraintes injustes qui pèsent sur leur capacité à faire leur travail menacent leur existence - et, à leur tour, menacent nos droits et notre démocratie
Les gouvernements serrent la vis
Même dans les démocraties traditionnellement fortes, les organisations de la société civile (OSC) sont soumises à des pressions. En France, une nouvelle loi permet au gouvernement de fermer ou de refuser tout financement public aux organisations dont il considère que le travail n'est pas conforme aux "valeurs républicaines". Ces dernières n'ont pas été définies, peut-être intentionnellement. La récente dissolution de deux groupes, le Collectif contre l'islamophobie en France et la Coordination contre le racisme et l'islamophobie, montre que le gouvernement utilisera ce pouvoir.
Les gouvernements de Croatie, d'Estonie, de France, d'Allemagne, de Hongrie et de Slovénie ont tous récemment rendu la vie plus difficile aux OSC. En Allemagne, par exemple, les politiciens de centre-droit, sous la pression des lobbyistes des entreprises, ont exploité une législation obsolète pour que les tribunaux fiscaux privent de leur statut d'exonération fiscale les OSC qui défendent des causes qui nuisent à leurs profits, comme la protection de l'environnement.
La situation est bien pire dans les pays qui poursuivent une stratégie délibérée de démantèlement de la démocratie. Après que la Cour de justice a jugé que la loi hongroise contre les ONG était contraire au droit communautaire, le gouvernement l'a simplement remplacée par une autre loi problématique. Le gouvernement polonais, qui a mené par le passé des campagnes de diffamation contre les OSC qui défendent l'égalité des personnes LGBTIQ et l'accès à l'avortement, harcèle à présent les organisations qui aident les personnes qui tentent de fuir le Belarus vers la Pologne.
Épuiser les ressources des militants via des poursuites judiciaires dénuées de fondement
Outre les campagnes de dénigrement et les lois restrictives, certains responsables politiques et entreprises recourent à des procès sans fondement pour empêcher les OSC et les journalistes de dénoncer des activités illégales ou contraires à l'éthique. Ces actions sont connues sous le nom de SLAPP en anglais (« Strategic Lawsuits Against Public Participation », poursuites stratégiques contre la mobilisation publique), ou « poursuites-bâillons ». Les puissants malhonnêtes engagent des poursuites bâillons sans l’intention d’obtenir gain de cause. Au contraire, ils utilisent leurs ressources afin d’entraîner les activistes et journalistes d’investigation dans des batailles judiciaires interminables qui épuisent les finances et la résistance de ces dernier.e.s. L'objectif final est de dissuader les OSC et les médias de dénoncer des activités illégales ou contraires à l'éthique et donc de mobiliser le public sur ces questions
Par exemple, en mars 2022, Greenpeace Espagne et d'autres organisations ont été poursuivis en justice pour diffamation par l'entreprise agroalimentaire Valle de Odieta, après avoir dénoncé la pollution de l'eau et du sol causée par une gigantesque exploitation industrielle de vaches appartenant à cette société. En Slovénie, l'une des figures de proue des manifestations cyclistes du vendredi a été condamnée par le procureur de l'État à payer plus de 50 000 euros d'amendes, prétendument afin de couvrir les coûts du maintien de l'ordre lors des manifestations antigouvernementales.
Des signes positifs permettent d'espérer un changement
La Commission européenne a reconnu que les poursuites-bâillons constituent un problème pour la démocratie. Le mois dernier, elle a lancé une proposition de législation visant à lutter contre les SLAPP. Elle a également renforcé son soutien aux OSC, en augmentant les possibilités de financement (dans le cadre du nouveau programme "Citoyens, égalité, droits et valeurs") et a promis d'examiner l'état de l'espace civique dans un rapport attendu pour la fin de l'année.
Dans d'autres domaines également, il y a des raisons d'être optimiste pour l'avenir de la démocratie. La Commission a enfin utilisé ses nouveaux pouvoirs pour mettre un terme à l'octroi de fonds européens à la Hongrie. Le gouvernement Orbán a utilisé l'argent de l'UE pour remplir les poches de ses alliés commerciaux qui l'aident à rester au pouvoir. Et les résultats des élections en France et en Slovénie montrent que les électeurs résistent à la désinformation et à la division colportées par l'extrême droite dans ces pays.
Mais malgré ces raisons d'espérer, cette Journée de l'Europe devrait nous rappeler que les valeurs que nous partageons ne peuvent prospérer que si elles sont entretenues, et que l'UE doit mieux protéger celles et ceux qui veillent sur nos démocraties. Contribuer à accroître le soutien du public aux efforts des OSC, protéger les militant.e.s contre les attaques qui les visent, leur assurer un cadre propice à la conduite de leur travail et faciliter l'accès aux financements : l'UE doit en faire des priorités si elle veut vraiment que la démocratie fonctionne pour nous tou.te.s
Cet article a été publié par EUobserver.
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