Cette décision a été soutenue par la Société allemande des droits civils (GFF), qui a engagé une série de poursuites stratégiques contre la directive PNR (Passenger Name Record, dossiers passagers ou données personnelles des passagers).
En vertu de la directive PNR, depuis mai 2018, les compagnies aériennes des États membres de l'UE son tenues de transmettre les données de leurs passagers aux agences gouvernementales. Ces données passagers contiennent des informations sensibles. Cela signifie que les données personnelles de toute personne embarquant à bord d'un vol international en Europe sont conservées et analysées centralement.
La surveillance de masse des passagers
La GFF estime que la directive PNR porte atteinte au droit à la protection des données personnelles et au droit au respect de la vie privée et vie de famille. La directive oblige les compagnies aériennes à transférer automatiquement lees données personnelles aux autorités étatiques. Ces données contiennent un certain nombre d'informations dites sensibles, dont la date de naissance, les noms des personnes accompagnantes, les moyens de paiement utilisés pour acheter le billet d'avion et un champ de texte non précisé que la compagnie aérienne remplit elle-même.
Les données sont généralement conservées par les autorités de police. En Allemagne, le Bureau fédéral de la police criminelle entend, à l'avenir, comparer automatiquement les données au moyen de critères pré-déterminés (tel qu'un critère décrivant le comportement à bord de criminels reconnus). Par conséquent, toute personne dont le profil s'avère suspect devra subir davantage de contrôles policiers voire même une arrestation, et ce, en raison du fait que le taux d'erreur des algorithmes sera considérable.
Un litige stratégique à l'intention de la plus haute juridiction de l'UE
En 2019, la GFF, au côtés de epicenter.works, a engagé une action en justice contre la Directive PNR devant des tribunaux allemands et autrichiens. L'objectif de cette action était de renverser cette loi en soumettant cette affaire à la plus haute juridiction de l'UE : la Cour de justice de l'UE (CJUE). En effet, étant donné qu'il n'est pas possible de déposer directement un recours contre une directive devant la CJUE, la GFF soutient plusieurs individus qui déposent des plaintes contre la compagnie aérienne allemande Lufthansa AG, pour avoir transféré leurs données passagers au Bureau fédéral de la police criminelle allemande.
Le 20 janvier 2020, la Cour d'instance de Cologne, en Allemagne, a renvoyé l'affaire devant la CJUE, en raison des implications évidentes du droit européen dans cette affaire. Kathalijne Buitenweg, députée du Parlement des Pays-bas, ainsi que l'activiste Kübra Gümüşay et l'avocate Franziska Nedelmann (tous deux allemands), font partie des plaintifs ayant déposé plainte devant la Cour de Cologne.
Cette affaire allemande fait partie d'un ensemble plus vaste : dans une autre affaire en Belgique, la Cour constitutionnelle belge avait aussi soumis une série de 10 questions préjudicielles à la CJUE, concernant la directive PNR. À présent, plusieurs tribunaux nationaux ont conclu que la directive PNR est sans doute incompatible avec la Charte européenne des droits fondamentaux. En outre, la CJUE a déjà mis un terme à un accord similaire concernant les données passagers passé avec le Canada, dans son avis 1/15 du 26 juillet 2017 (en français). La question était renvoyée devant la CJUE par plusieurs tribunaux de différents pays, ce traitement de masse des données personnelles des passagers pourrait bien arriver à son terme.
Le financement de base de ce projet est assuré par le Digital Freedom Fund (Fonds des libertés numériques).
Vous trouverez de plus amples informations sur le site de la campagne NoNPR : www.nopnr.eu.