Les trois lois, approuvées le 26 mars, constituent un «triple bâillon» et ont été adoptées dans un contexte très spécifique que Rights International Spain appelle «Le cercle vicieux de l'injustice». Face à une société civile qui proteste activement contre ses politiques d'austérité, le gouvernement espagnol, au lieu d'écouter les demandes des citoyens, s'abrite derrière des réformes qui restreignent les droits et libertés indispensables à une société démocratique, limite l'accès à la justice et attaque les principes de base de la règle de droit. Nous ne croyons pas que ces actions sont isolées; chacune de ces lois fait partie d'un plan orchestré pour nous laisser #WithoutJustice. Il est clair que nous reculons.
Les lois bâillon vont à l'encontre de nos droits et libertés civiles, quelque chose qui a été dit par plusieurs institutions, internationales et européennes, qui protègent les droits humains. Le gouvernement espagnol et le Parti populaire en sont tous les deux conscients, car à RIS, nous l'avons fait savoir à travers plusieurs initiatives (certaines d'entre elles faites en collaboration avec les organisations internationales ou d'autres pays européens) prises devant le ministère de la Justice, le ministère de l'Intérieur, le Congrès et le Sénat et par les nombreuses étapes de la procédure législative. La preuve que nos législateurs connaissent les implications des droits humains dans ces lois c'est qu'ils ont mis en place un certain nombre (peu) d'améliorations dans les textes législatifs, précisément en réponse à nos demandes et aux celles des institutions internationales.
La criminalisation de la protestation pacifique
En effet, les textes réglementaires qui nous intéressent ont encore de graves lacunes qui limitent nos droits et libertés d'une manière disproportionnée et injustifiée. Voici quelques-unes de nos préoccupations.
En ce qui concerne la réforme de la lutte contre le terrorisme, nous devons souligner qu'elle a été traitées en urgence et dans le dos de la société civile; de cette manière, le processus d'une large consultation avec des experts indépendants n'a pas été respecté, comme le recommande l'ONU. Nous craignons également que cette réforme introduise une terminologie peu claire qui viole, par son ambiguïté et son manque de précision, le principe de légalité et puisse céder la place à l'application arbitraire de la loi pénale et aux restrictions disproportionnées de la liberté d'expression.
En ce qui concerne la réforme du code pénal, son objectif semble être de criminaliser les différents types de manifestations pacifiques qui sont parfaitement légitimes dans une société démocratique. Par exemple, la résistance passive simple est répertoriée comme un crime contre l'autorité. Nous craignons également que le nouveau crime de diffusion de messages puisse être appliqué à ceux qui tout simplement appellent à une manifestation ou un autre type de protestation et que d'autres types de protestations légitimes, comme l'occupation pacifique non-violente des bureaux publics et banques, soient criminalisés.
Photographier la police
Enfin, la La Loi sur la sécurité publique a trois objectifs très clairs et inquiétants: elle cherche à tourner la demande de préavis de manifestation et de protestation dans un processus de facto de l'autorisation par le gouvernement, en violation de l'article 21 de la Constitution; d'autre part, elle essaie de garder l'espace public loin de toute participation publique; enfin, elle sanctionne les protestations sociales qui sont absolument pacifiques et légitimes dans une société démocratique. A titre d'exemple, même la simple occupation de la voie publique ou un détour mineur de la route prévue pour la marche est pénalisé.
Les restrictions disproportionnées sont imposées à la liberté d'expression et au droit à l'information par la pénalisation de l'utilisation de photos de policiers (ce sont les mêmes photos qui sont utilisées comme preuve en justice contre la police en cas d'abus) ou le simple «manque de respect» envers un agent de police. Il est également inquiétant de constater que le processus législatif de cette loi n'a pas été utilisé comme une occasion d'établir des garanties juridiques contre la pratique du profilage discriminatoire de la police sur la base des caractéristiques ethniques des individus, comme cela a été demandé par de nombreuses institutions européennes et internationales.
Hier, le Congrès a adopté ces trois lois bâillons, mais, selon les mots du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, «ce qui est illégal ne peut être rendu légal». Donc, nous n’allons pas le permettre; nous allons continuer à exercer nos droits et à travailler pour que ces lois soient renversées. En même temps, et tant que cet objectif n’est pas réalisé, l'Etat espagnol doit être conscient qu’en adoptant ces lois, il se place dans une situation de risque et une condamnation probable par les organisations internationales, à commencer par la Cour européenne des droits de l'homme. Parce que nos droits et libertés sont supérieurs à leurs bâillons.