En concluant un accord avec la dictature soudanaise à propos de l’identification des migrants du Parc Maximilien, le Secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration a franchi une nouvelle étape dans sa chasse aux hommes, femmes et enfants exilés qui (sur)vivent actuellement à Bruxelles dans l’espoir de rejoindre le Royaume-Uni.
La Belgique viole la CEDH
Sous couvert que la France et d’autres pays européens collaborent eux aussi avec des fonctionnaires soudanais, le secrétaire d'Etat a considéré que cette collaboration le dédouanait de prendre en compte dans ses décisions les nombreuses violations des droits humains qui se déroulent au Soudan, un pays au régime politique dictatorial. La Cour Pénale Internationale a en effet délivré un mandat d'arrêt à l'encontre du chef d'Etat du Soudan, Omar Hassan Al Bashir, mettant en cause sa responsabilité pénale pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide.
Suite aux rafles organisées dans le cadre du « nettoyage » de Bruxelles, une centaine de Soudanais sont actuellement détenus en centres fermés, en vue de leur rapatriement.
Des vols ont été prévus dès le 5 octobre, à destination de pays tiers ou du Soudan.
La dramatique urgence d’une situation mettant potentiellement en grave danger les ressortissants soudanais visés par ces expulsions a motivé la LDH à agir en requête unilatérale.
Le Tribunal de Première Instance de Liège a donné raison à la requête de la LDH, basée sur l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des de droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH) qui dispose que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».
Le tribunal interdit à la Belgique de poursuivre les retours
En délivrant des ordres de quitter le territoire, l’État belge s’est mis dans l’illégalité et a commis une faute entraînant la violation des droits subjectifs des Soudanais à ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants et à de la torture en vertu de l’article 3 de la CEDH et à ne pas être refoulé en vertu de l’article 33 de la Convention de Genève.
Les conséquences juridiques de cette décision de justice sont importantes : le Tribunal interdit à l’État belge de rapatrier les Soudanais détenus à Liège à destination du Soudan ou à destination de tout autre État membre de l’Union européenne. Il interdit également à l’Etat de procéder à l’identification desdits Soudanais à l’aide de la mission d’identification soudanaise.
L’Etat belge est condamné à une astreinte de 20.000 euros s’il contrevient à l’une ou l’autre de ces condamnations principales.
L'État a franchi la ligne rouge
Cette décision de justice est un signal extrêmement fort à destination du gouvernement. C’est désormais au niveau politique que cette affaire doit être portée. En concluant un tel accord avec la dictature soudanaise, le secrétaire d’Etat à l’Asile et aux Migrations a ostensiblement franchi la ligne rouge dans sa politique où la fin (« nettoyer » Bruxelles) justifie les moyens (rafles programmées, quotas d’arrestation, collaboration avec une dictature).
Pour la Ligue des droits de l’Homme, sa responsabilité, et celle du gouvernement qui a couvert ces rapatriements illégaux, est clairement mise en jeu.