La Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) a reconnu la nature systématique de l'antitsiganisme à travers l'Europe et signalé la persistence du racisme inconscient et de la discrimination structurelle, deux facteurs qui reproduisent des schémas existants d'inégalité, "fortement ancrés dans les institutions, concepts culturels et structures de pouvoirs des sociétés européennes".
Le racisme structurel et les préjugés inconscients
Le racisme structurel ou institutionnel est caractérisé par (1) des processus qui sont persistants et durent dans le temps; (2) des situations qui sont hors du contrôle d'un ou plusieurs individus et (3) ne sont pas intentionnels et sont souvent invisibles. Cela génère des schémas d'inégalité raciale qui se renforcement mutuellement dans la société, dans le sens où ce racisme produit une inégalité d'accès aux biens, services et droits en fonction de l'origine/appartenance ethnique. En outre, l'existence d'un racisme inconscient renforce encore plus la discrimination. En effet, dans certains cas, ces associations d'idées et préjugés automatiques peuvent influencer les décision des individus et entraîner des comportements discriminatoires, même si les préjugés à l'égard des individus ne sont pas portés de manière consciente.
Les préjugés de la justice espagnole à l'égard des roms
Un récente étude menée par Rights International Spain en 2019 dans le cadre du Proyecto Roma (projet Roms) confirme que dans les domaines de la justice pénale où le pouvoir de décision est plus grand, le risque de racisme institutionnel et de préjugés inconscients l'est aussi, ce qui peut avoir un impact négatif sur l'équité des procédures judiciaires. L'étude a identifié comment la discrimination institutionnelle et les préjugés inconscients affectaient les pratiques de différents professionnels de la justice pénale, générant des effets discriminatoires sur les personnes roms. Cela comprend :
- l'usage du contrôle au faciès ou profilage ethnique
- une grande propension à faire un usage excessif de la détention provisoire au motif qu'il y aurait un risque de récidive, et plus généralement dans les affaires sensibles ou dans celles qui font l'objet d'une certaine couverture médiatique
- des peines plus sévère prononcées à l'encontre des personnes roms, et une plus grande sévérité en ce qui concerne l'évaluation des circonstances atténuantes ou aggravantes ou la suspension de la peine.
Un outil qui permettrait de mettre fin à la discrimination et au racisme
Rights International Spain estime que l'une des mesures devant être prises pour mettre fin à la discrimination et au racisme au sein des institutions espagnoles, consisterait à mettre en pace une Analyse d'impact sur l'égalité raciale (AIER) dans tous les domaines de l'administration du pays. Une meilleur communication et de meilleures relations entre les institutions et les groupes vulnérables devraient être promues, et des formations axées sur la lutte contre les discriminations devraient être offertes à l'ensemble des fonctionnaires.
Les AIER sont utiles car elles ont la capacité de se transformer et s'adapter aux différents contextes. De plus, elles sont simples, dans leur concept comme dans leur utilisation. Certains pays les utilisent déjà pour prévenir les discriminations dans les administrations mais aussi dans d'autres domaines, tel que le commerce, l'éducation et le sport. Elles ont été conçues pour minimiser les conséquences discriminatoires produites par les règles, politiques et pratiques et pour trouver des solutions en vue d'y remédier.
Les AIER peuvent être utilisées pendant les processus d'élaboration d'un nouveau règlement ou d'une politique, et par la suite, ce qui permet d'évaluer à la fois l'impact réel des règles et politiques mais aussi les pratiques existantes. Ce type d'instrument se concentre sur les groupes potentiellement affectés par les règles, politiques ou pratiques analysées, et permet à ces derniers de ses faire entendre. Elle donne l'opportunité aux groupes invisibles de construire une relation stable et durable avec les institutions.
Les Roms doivent être mieux représentés dans les lieux publics
Les expert.e.s soulignent souvent que les États devraient faire de ce point l'une de leurs priorités : augmenter les relations institutionnelles avec ces communautés et groupes ainsi que leur représentation dans les lieux publics. Une coup d'oeil sur les différentes assemblées politiques du pays suffit à donner une idée du long chemin qu'il reste à parcourir et de la nécessité indéniable de travailler là-dessus, en mettant des outils tels que les AIER.
Trois aspects principaux des AIER
Ce type d'analyse d'impact se concentre sur trois principaux aspects des normes, politiques et pratiques qui sont évaluées : la portée (1), c'est à dire les personnes et lieux affectés par ces dernières; l'intensité (2) : les effets attendus, impacts et résultats, ainsi que les conséquences imprévues; la durée (3) : les impacts à court, moyen et long terme.
Cela rend possible de remédier aux impacts de la discrimination structurelle et des préjugés inconscients susceptibles de survenir. En révélant les inégalités qui étaient cachées dans le système et en proposant des solutions ou des alternatives en vue de les atténuer, l'AIER a de bonnes chances de transformer la réalité prédominante.
Bien que la mise en place de ces analyses d'impact, par des acteurs publics comme privés, représente un défi de taille à moyen et long terme, Rights International Spain s'y engage car ces analyses sont à même de révéler les inégalités, de voir quelles sont les solutions proposées par les personnes affectées, de promouvoir leur visibilité auprès des acteurs institutionnels et plus généralement auprès de la société. Il s'agit d'une avancée vers l'autonomisation de ces groupes et vers l'éradication de toutes les formes de discrimination au sein de notre société.