Le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a récemment publié son 10ème rapport annuel sur sa surveillance de l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme (CrEHD).
La Convention européenne des droits de l'homme charge le Comité des ministres de veiller à ce que les jugements de la Cour de Strasbourg soient exécutés.
Ce rapport ne prend pas en considération les affaires qui sont considérées comme classées, mais plutôt celles considérées comme exécutées, par le Comité.
La surveillance exercée par le Comité des ministres
En 2016, 2066 affaires ont été classées par le Comité des ministres, et pour la première fois depuis 2010, moins de 10000 affaires sont pendantes (en attente d'exécution).
Toutes les affaires rentrent dans certaines catégories impliquant une méthode de supervision différente, celle-ci dépendant du degré d'importance ou d'urgence des ces affaires. Les affaires qui font ressortir des problèmes structurels sont souvent qualifiés d' "affaires phares", tandis que celles traitant de questions similaires sont souvent qualifiées d' "affaires répétitives".
Surveillance soutenue
Les affaires requérant une supervision soutenue comprennent toutes celles demandant que des mesures individuelles soient immédiatement prises, où celles dont la cause de la violation conclue par la Cour de Strasbourg ou le Comité relève d'une problème structurel ou complexe. Tous les arrêts pilotes et les affaires interétatiques sont automatiquement placés sous une surveillance soutenue.
Surveillance standard
Les autres affaires sont placées sous surveillance standard, même sis des affaires peuvent aussi voir leur niveau de surveillance passer d'une surveillance soutenue à une surveillance standard lorsque le Comité le juge nécessaire. La procédure inverse peut également se produire.
Obstacles à l'exécution des jugements
L'exécution des arrêts de la CrEDH peut se voir retarder pour des raisons diverses. Le rapport du Comité explique quels sont les principaux obstacles à l'exécution des arrêts, tels que les difficultés liés à l'adoption des différentes réformes visant à traiter des problèmes structurels.
Ces difficultés peuvent survenir lorsque des institutions étatiques ou des partis politiques ont des points de vue différents sur les réformes à mener. Le Comité relève un autre problème: le refus de l'État de verser une compensation juste ou d'adopter des mesures individuelles.
L'exécution des arrêts par l'Italie
Les conclusions du Comité sur l'exécution des jugements de la Cour de Strasbourg par l'Italie ne sont pas des plus rassurants. Sur les 9941 affaires en instance devant le Comité en 2016, 2350 devaient être exécutées par l'Italie.
Parmi les états membres du Conseil de l'Europe, l'Italie compte le nombre le plus élevées d'arrêts non exécutées. En réalité, les trois autres États comptant plus de 1000 jugements à exécuter sont la Russie (1573), la Turquie (1430) et l'Ukraine (1147).
Plus de la moitié des affaires italiennes pendantes devant le Comité (1725 affaires) concernent la durée excessive des procédures auprès d'un tribunal civil. Suivent les affaires relatives à la longueur excessive des procédures pénales (163 affaires) et les affaires concernant les "montants insuffisants et retards de versement des indemnisations accordées dans le cadre de recours compensatoire" (loi Pinto).
En outre, la célèbre affaire Cestaro est toujours sous surveillance soutenue. Elle relève d'un problème structurel de "mauvais traitement par la police et de legislation qui sanctionne les actes de torture et les traitements inhumains et dégradants inadéquate".
Le Comité attend toujours qu'une loi contre la torture soit adoptée afin de clôturer cette affaire.
Autre chiffre intéressant: le montant des satisfactions équitables payées par l'Italie en 2016 (la satisfaction équitable prend normalement la forme d’une somme d’argent allouée au titre des dommages matériels et/ou moraux subis par le requérant ainsi qu’au titre des frais et dépens). L'Italie se place à la troisième position avec 15 millions d'euros alloués aux requérants ayant poursuivi l'État en justice (derrière la Turquie et l'Albanie, ayant accordé respectivement 20 et 18 millions d'euros). En 2015, la somme s'élevait à peine à 4 millions.
Une affaire pas tout à fait close: le cas de la surpopulation carcérale
Parmi les affaires considérées comme closes par le Comité des ministres, la célèbre affaire Torreggiani traitait des "mauvaises conditions de détention dues à la surpopulation dans les centres pénitentiaires" italiens.
Le Comité constate que "pour remédier au problème de la surpopulation carcérale, des mesures législatives ont été adoptées en prenant dûment considération les recommandations du CM en vue de réduire les flux d'entrées dans les prisons et d'améliorer l'accès des sanctions et mesures communautaires", ainsi que la mise en place de nouveaux outils visant à surveiller de manière constante les taux de surpopulation.
En effet, le taux de surpopulation carcérale est inférieur à celui de 2013, année à laquelle le jugement avait été rendu. Toutefois la population carcérale est à la hausse depuis 2015. En mars 2017, plus de 56000 détenus ont notamment été recensés dans les centres pénitentiaires, alors que, selon le Ministre de la justice, la capacité carcérale était de 50211 places. Une capacité par ailleurs estimée à 45509 places par le Garant des droits des personnes privées de liberté.
Bien que le Comité considère que cette affaire est classée, elle ne l'est pas pour nous. En réalité, chaque jour nous constatons que cette affaire est loin d'être résolue. Il est important que le Comité continue de surveiller la situation dans les prisons italiennes et encourage les autorités italiennes à continue de produire des efforts en vue de l'améliorer.