Trois nouveaux jugements de la CrEDH ont reconnu une violation de l'article 3 de la CEDH par l'Italie. Il s'agit de l'un des articles fondamentaux de la Convention. Les trois jugements concernent deux évènements distincts s'étant produit dans dans deux contextes et périodes différents : dans la caserne de Bolzaneto lors du sommet du G8 de Gènes en 2001, et dans la prison d'Asti, en 2004. L'État italien doit plus de quatre millions d'euros d'indemnités à l'ensemble des plaignants.
Le sommet du G8 de Gênes
Les évènements de Gênes se divisent en deux actions : l'assaut lancé contre l'école Diaz au cours de la nuit du 21 juillet 2001, et les violences perpétrées dans la caserne Bolzaneto.
En avril 2015, la CrEDH avait déjà rendu son verdict concernant la requête présenté par Arnaldo Cestaro, présent à l'école Diaz le soir de l'assaut, et lui avait accordé des indemnités que devaient lui payer l'État italien. Le point crucial du jugement avait été la condamnation sans appel de la conduite des forces de l'ordre, qui avaient agi en violation de l'article 3 de la CEDH, qui interdit l'usage de la torture et des traitements inhumains et dégradants. La Cour avait également critiqué les lacunes du droit italien, qui, à l'époque, ne comptait pas le crime de torture inscrit dans le code pénal et imposait un délai de prescription pour intenter un procès sur la base d'aussi graves accusations.
En juin 2017, la CrEDH a condamné l'Italie pour la deuxième fois pour les mêmes actes perpétrés par les agents de police à l'école Diaz de Gênes. Dans le verdict, qui s'appuyait essentiellement sur l'affaire Cestaro, la Cour a réitéré ses inquiétudes vis-à-vis des lacunes du droit italien en matière de répréhension du crime de torture.
Le dernier jugement en date (26 octobre 2017) de la CrEDH concerne les évènements survenus dans la caserne Bolzaneto, où les manifestant.es arrêtés pendant les troubles liés au G8 avaient été victimes de violences de la part des forces de l'ordre et du médecin. Après avoir analysé les faits, la Cour a estimé qu'il y avait eu violation de l'article 3, et non pas pour les traitements inhumains et dégradant, mais pour le crime le plus grave : la torture.
Dans son jugements, la Cour de Strasbourg a reconnu les efforts réalisés par la justice italienne visant à mener des enquêtes en dépit du manque de coopération des forces de l'ordre. Cependant, les juges ont souligné que le délai de prescription et l'absence du crime de torture dans le code pénal à l'époque des faits (la Cour ayant à cet égard noté que ce crime avait été par la suite introduit dans le code) ont laissé de nombreux auteurs de ces violences impunis.
L'affaire Asti
En 2004, deux détenus de la prison Asti, Claudio Renne et Andrea Cirino, ont été brutalement battus par des agents de la police pénitentiaire. Les fait ont été révélés plus tard, au cours d'enquêtes distinctes. La violence était systématique et était principalement pratiquée la nuit : les détenus étaient battus, soumis à des privations de sommeil, et privés d'eau et de nourriture. Pendant l'hiver, ils étaient enfermés, intégralement dénudés, dans des cellules ne comportant ni chauffage, ni fenêtres. Les détenus étaient obligés de boire l'eau des toilettes et ce à plusieurs reprises. Renne a passé deux mois enfermé dans l'une de ces cellules.
De plus, dans cette affaire, la CrEDH a jugé que les mauvais traitements auxquels le détenu a été soumis pouvaient être qualifiés de torture, celle-ci étant interdite par l'Article 3 de la CEDH. Comme dans l'affaire précédente, les juges de Strasbourg ont estimé que la justice domestique avait fait tout ce qui était en son pouvoir en vue d'établir les faits et d'identifier les auteurs de ces crimes. Néanmoins, le code pénal étant dépourvu du crime de torture à l'époque, il était impossible de punir les responsables. La Cour a également souligné le fait que les agents de police concernés n'avaient pas été suspendus de leurs fonctions au cours de l'enquête et du procès et qu'ils avaient pu découragé, par voie de menace ou intimidation, les plaintes d'autres détenus pouvant avoir fait l'objet de traitements dégradants.
Les réactions du président d'Antigone
"La double peine prononcée montre, une nouvelle fois, l'impunité qui a caractérisé l'Italie ces dernières années", a écrit Patrizion Gonnella, président de l'ONG Antigone, membre de Liberties. "Pendant de nombreuses années dans notre pays, nous n'avons pas eu les moyens d'obtenir justice et, rappelons-le, il nous fallait attendre des décisions au niveau européen."
L'Italie a récemment fait l'objet d'un Examen périodique du Comité des Nations Unies contre la torture, à qui l'ONG de défense des droits humains de détenus Antigone a présenté un rapport alternatif.