En octobre dernier, le gouvernement belge prenait, à l’initiative de la Ministre de la Justice, Madame Turtelboom, la décision d’extrader Monsieur Nizar Trabelsi vers les Etats-Unis et ce, sans attendre le l’arrêt de la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH), saisie par le requérant.
En prenant cette décision unilatérale afin de répondre positivement à la demande d’extradition des Etats-Unis où M. Trabelsi est poursuivi du chef d’infractions terroristes, le gouvernement belge, d’une part, annulait de facto sa dernière possibilité de recours et, d’autre part, contrevenait à l’obligation d’attendre l’arrêt de la Cour. Dans son arrêt, la CEDH rappelle « avoir refusé par trois fois de donner une suite positive aux demandes du Gouvernement de lever la mesure provisoire » et « qu’elle a indiqué au Gouvernement belge de surseoir à l’extradition le jour de la notification de l’arrêté ministériel accordant l’extradition du requérant ». Comme l’indique encore la Cour, « le Gouvernement était donc pleinement conscient de la portée de la mesure ».
Pour rappel, ce ressortissant tunisien a été condamné par la justice belge une peine de dix ans d’emprisonnement. En 2008, les autorités américaines ont transmis à la Belgique une demande d’extradition. Avec, en cas d’extradition, le risque pour M. Trabelsi de se voir condamner à une peine d’emprisonnement à perpétuité incompressible de facto. Or, si une peine de réclusion à vie peut en pratique être purgée dans son intégralité, il faut en théorie, déclare la CEDH, que le détenu condamné à perpétuité puisse avoir des chances d’être libéré. En d’autres termes, la CEDH estime que la Belgique, en autorisant son extradition en octobre dernier sans s’assurer que ces garanties existaient, a commis des traitements inhumains ou dégradants envers le requérant.
La LDH salue cette décision qui tend à démontrer que, pour la CEDH, tous les citoyens sont égaux face à la Justice et ce, indépendamment de toute autre considération. Le respect des droits fondamentaux ne peuvent souffrir d’aucune exception, même lorsqu’il d’une personne comme M. Trabelsi, au risque de créer une justice d’exception et, ce faisant, de remettre en cause ce qui fonde l’Etat de droit.
La Belgique, en extradant illégalement M. Trabelsi, a bafoué ses droits fondamentaux et a violé ses propres obligations internationales. Elle donne ainsi une bien piètre image de sa conception de la Justice et du respect qu’elle porte aux injonctions de la Cour européenne des droits de l’Homme.
Dans ce contexte, les quelques 90.000 euros que l’Etat devra verser au requérant pour dommage moral et autres frais et dépens ont un goût particulièrement amer à l’heure où les gouvernements, précédent et à venir, prônent les économies budgétaires, entre autres, dans la sphère de la Justice.