La loi hongroise sur les ONG (loi anti-ONG) est conçue pour réduire au silence les groupes de citoyens qui sont critiques à l'égard du parti au pouvoir et de l'autoritarisme grandissant dans le pays. Voici trois recommandations que nous adressons à la Commission européenne, qui a pour mission de s'assurer que le gouvernement hongrois mette en oeuvre l'arrêt de la Cour de justice de l'UE (CJUE)
Six mois plus tôt, la CJUE délivrait un jugement dans lequel elle estimait que la Hongrie avait restreint illégalement les droits des ONG en limitant leurs possibilités de financement via les dons en provenance de l'étranger. La CJUE avait donné raison à la Commission européenne, qui avait porté l'affaire devant elle, estimant que la loi anti-ONG portait atteinte à certains éléments du droit européen, dont la Charte des droits fondamentaux.
Le parti Fidesz déclare la guerre aux ONG qui défendent les droits et la démocratie
Depuis 2010, le gouvernement hongrois a adopté une longue série de mesures portant directement atteinte à la démocratie et à l'état de droit. Cela comprend de graves restrictions des libertés individuelles, des lois permettant de prendre le contrôle du pouvoir judiciaire et des médias indépendants, des campagnes de haine visant des minorités, comme les migrants. Et à cela il faut ajouter les affaire de corruption. Les organisations de la société civile ont critiqué ces mesures et aidé les citoyens à s'organiser pour exprimer leur opposition, à travers des manifestations, entre autres.
En réponse, le gouvernement a commencé à s'en prendre directement à ces organisations et associations, affirmant que ces dernières, en critiquant le pouvoir en place, interféraient avec la politique du pays, et qu'elles étaient financées par des donateurs étrangers. En 2017, le gouvernement adopte alors une loi obligeant les ONG qui reçoivent plus de 24 000€ de dons de l'étranger de se déclarer en tant que "agent étranger" sur chacun de leur support de communication ou publication. En outre, les organisations doivent partager les données des donateurs qui versent plus de 1 600€ par an, si ces derniers ne sont pas établis dans le pays. La loi confère au gouvernement le pouvoir de geler les fond de ces organisations et même de mettre fin à leurs activités si ces dernières ne respectent pas loi.
Devant la justice, le gouvernement a affirmé que la loi visait à apporter plus de transparence sur la provenance des financements des ONG lorsque les fonds venaient de l'étranger, car ces sources de financement menaceraient les intérêts économiques et politiques du pays.
Dans son jugement, la CJUE a souligné le fait que les ONG jouent un rôle essentiel dans la participation démocratique des citoyens, et que la Hongrie n'a pas apporté d'éléments permettant d'affirmer qu'elles n'agissent pas dans l'intérêt de la politique nationale. La cour estime que cette loi a été conçue pour empêcher les ONG d'aider les citoyens à participer aux affaire publiques, tout en portant atteinte à la réputation de ces organisations et en restreignant leurs moyens de financement.
À ce jour, le gouvernement hongrois n'a adopté aucune mesure pour exécuter le jugement. C'est même tout le contraire puisque les autorités font actuellement usage de cette loi pour restreindre l'accès aux financements de certaines ONG.
Liberties, avec le soutient de l'Union hongroise des libertés civiles (UHLC), le Comité d'Helsinki de Hongrie et Amnesty International Hongrie, vient de publier un dossier de politique soulignant quelles sont les mesures que devrait prendre la Commission européenne pour s'assurer que le gouvernement hongrois exécute l'arrêt de la CJUE. Comment la Commission européenne doit faire exécuter le jugement de la CJUE
Les traités de l'UE obligent la Commission à s'assurer que les gouvernements des États membres appliquent la loi. Ce implique de superviser l'exécution des jugements de la Cour de justice de l'UE et de poursuivre à nouveau en justice les états s'ils ne respectent pas ces décisions. Nous recommandons à la Commission de faire trois choses :
1. Préciser clairement que le jugement requiert l'abrogation de la loi hongroise sur les ONG
Pour que le gouvernement hongrois respecte pleinement le jugement de la CJUE, il ne peut pas juste modifier la loi, mais doit l'abroger. Car la cour a clairement établi que la loi se baisait sur un principe faux (les ONG interfèrent avec la politique). Les ONG ne pourront être libres de faire leur travail et aider les citoyens à exprimer leurs points de vue que si la loi est abrogée dans son ensemble, et la Commission devrait rendre cela clair.
2. Si la Hongrie tente de simplement modifier la loi, la Commission doit contrôler ces amendements rapidement et fermement
Le parti au pouvoir Fidesz s'est déjà opposé à un projet de loi soumis au parlement par le parti d'opposition (le partis socialiste hongrois, le MSZP). Cela laisse penser que le gouvernement se contentera sans doute d'apporter quelques ajustements mineurs à la loi anti-ONG. Si cela est le cas, la Commission devra évaluer rapidement les amendements. Cela empêchera le gouvernement Orbán de gagner du temps en jouant au jeu du chat et de la souris avec la Commission, tout en gardant la loi en vigueur.
3. Fixer une date auprès de la CJUE
La Commission a le pouvoir de se tourner à nouveau vers la CJUE et lui demander d'imposer une amende au gouvernement hongrois tant que celui-ci n'exécute pas le jugement. La Commission devrait faire clairement savoir à Varsovie qu'elle prête à le faire, à moins que le gouvernement n'abroge la loi dans les temps impartis.
Nous dépendons tous de l'UE pour le maintien et protection de nos droits. La justice de l'UE a rempli son rôle, c'est au tour de la Commission de le faire en s'assurant que le parti Fidesz exécute le verdict rendu par la cour.
Lire notre dossier politique ici (anglais)
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