Le Comités des juristes des droits humains des Pays-Bas, le NJCM (acronyme en néerlandais), a félicité les choix du Premier ministre Mark Rutte concernant son nouveau gouvernement, et a présenté son rapport concernant les implications en termes de droits humains des positions politiques de ses ministres.
Bien que le NJCM se félicite de l'accord "de Confiance en l'avenir", qui prend en considération les droits humains dans de nombreux domaines, l'ONG a également fait part de ses inquiétudes. Plusieurs questions requièrent une attention toute particulière, son l'ONG : la protection de la vie privée, le respect des droits humains dans la lutte contre le terrorisme, le droit à un climat durable et d'autres sujets liés à la migration.
Respect de la vie privée
L'accord du gouvernement concerne des questions liées à la vie privée et à la protection des données personnelles, telles que les mesures de lutte contre le terrorisme et l'élargissement des possibilités de faire des recherches génétiques, la Loi sur les services de sécurité et de renseignements, la projet de loi sur l'adaptation de l'obligation de conservation des données de télécommunications, la proposition d'autorisation pour les travailleurs.euses du sexe et la lutte contre la fraude de la sécurité sociale.
Le NJCM observe que
ces mesures manquent souvent de fortes garanties en matière de respect de la
vie privée. La nouvelle loi sur les services de sécurité et de renseignements
crée la possibilité d'une collecte arbitraire et massive de données personnelles
des citoyen.nes aux Pays-Bas et à l'étranger. En outre, le nouveau système Risk
Indication (SyRI) a des compétences trop larges, et manque des garanties
nécessaires. À cet égard, le système de profilage est particulièrement
problématique, puisqu'il pose un risque réel de discrimination. Le NJCM est
d'accord avec les critiques émises par le Conseil d'État et l'Autorité de
protection des données personnelles.
Le Conseil d'État a conclu dans son avis sur SYRI qu' "il n'y a presque aucune donnée personnelle qui n'est pas traitée. La liste ne semble pas être limitée, mais elle est plutôt aussi ouverte que possible".
Certaines des lois susmentionnées impliquent aussi de grands risques concernant le secret professionnel des médecins et avocats (par exemple), la protection des sources des journalistes ou le rôle critique des ONG. De même, la conservation massive des données peut avoir un effet effrayant sur la liberté d'expression et la liberté d'information.
Les garanties légales sont indispensables en vue de protéger la vie privée des citoyen.nes. Le NJCM souligne encore une fois que l'évaluation préalable d'un juge est la forme de supervision la plus adéquate et conforme à la juridiction européenne en la matière. L'ONG appelle le cabinet du 1er ministre à légiférer sur cela et sur de nombreuses autres garanties.
Lutte contre le terrorisme et respect des droits humains
La NJCM a déjà fait part dans le passé de son opinion critique concernant la protection des droits humains dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. L'élargissement de nombreux pouvoirs sans prendre assez en compte l'efficacité et la proportionnalité de telles mesures pose des problèmes et suscite des inquiétudes.
Ce gouvernement est engagé à prolonger la détention conditionnelle de ressortissants néerlandais qui sont allés rejoindre la Syrie pour se battre. Il propose également de prendre des échantillons d'ADN des personnes suspectées de terrorisme. Cependant, les arguments avancés pour traiter les personnes suspectées de terrorisme différemment ne sont pas convaincants. D'autres crimes, tels que les violences sexuelles sur mineur.es, la traite des personnes, le crime organisé et la fraude fiscale internationale requièrent également des enquêtes complexes et impliquent des contravenant.es dangereux.euses. Aussi le NJCM demande-t-il que le cabinet du 1er ministre justifie dans les règles de l'art la nécessité des amendements proposés.
Respect de l'environnement
L'accord du gouvernement indique que les Pays-Bas adopteront une "politique environnementale ambitieuse". Nous nous félicitons de cette nouvelle. La protection effective contre les effets du changement climatique constitue aussi pour le gouvernement une obligation en termes de droits humains.
C'est principalement le cas de l'extraction de gaz à Groningen. L'extraction irresponsable de gaz est contraire au droit à la vie, à la santé et au logement. Cette année, l'ONG NJCM, au nom d'une coalition d'ONG, a délivré un rapport portant sur ce sujet au Comité des Droits Economiques, Sociaux et Culturels des Nations Unies. Ce comité a appelé le gouvernement néerlandais à prendre des mesures afin d'assurer la santé physique et mentale des personnes vivant dans la région de Groningen, ainsi que d'assurer la sécurité de leurs habitations. Le gouvernement a également été appelé à indemniser les dommages occasionnés et à faire en sorte que de futurs dommages soient évités.
Pour la même raison, il est inquiétant que certaines ambitions de l'accord du gouvernement n'aient pas été formulées avec le degré d'urgence qui convient. Cela concerne, à titre d'exemple, la proposition de mesure prévoyant la "fermeture de toutes les centrales à charbon d'ici 2030, ce qui représente une charge lourde dans le futur budget d'émissions carbone, déjà bien limité.
Le même manque d'urgence est à déploré dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le gouvernement souhaite atteindre 49% de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, alors que les Pays-Bas prônent une norme de réduction plus élevée (55%) au sein de l'UE. Ajoutons à cela que le gouvernement désire être à même de s'éloigner de cette faible norme de 49%, alors qu'une norme plus faible encore ne rentre pas dans le cadre des options "sûres" de l'accord de Paris sur le climat.
Le NJCM exhorte le cabinet du 1er ministre à appliquer une politique sur le climat qui soit conforme aux droits humains.
Migration et respect des droits humains
Le gouvernement compte plusieurs projets visant à réglementer la migration, tel que la mise en place d'accords passés avec des pays qualifiés de "pays sûrs". L'ONG rappelle que de tels accords, tels que l'accord entre l'UE et la Turquie, ont fait l'objet de vives critiques de la part des universitaires et des organisations, non seulement parce qu'il manque d'efficacité (les réfugié.es empruntent d'autres routes à travers l'Europe), mais aussi parce qu'il porte atteinte aux droits humains, dont le droit à l'asile, l'interdiction des expulsions collectives ainsi que le principe du non-refoulement.
L'ONG s'inquiète que le cabinet du 1er ministre propose de conclure encore plus de ce type d'accords et appelle ce dernier à protéger les valeurs fondamentales du droit d'asile.
Enfin, l'ONG souhaite faire la lumière sur un certain nombre de problèmes concernant l'hébergement des mirgrant.es n'étant pas titulaires d'un titre de séjour. L'organisation craint que la proposition prévoyant de n'offrir que deux semaines d'hébergement dans l'une des huit établissements pour ressortissants étrangers (LVV en néerlandais) ne soit pas suffisant. Dans l'affaire Hundle, de 2016, concernant la politique du droit d'asile néerlandais, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que les Pays-Bas ne faisaient pas le nécessaire pour empêcher les traitements inhumains (Article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme).
Gardant à l'esprit ce jugement, il est concevable que la construction de LVV dans le nouvel accord du gouvernement ne soit pas suffisant pour empêcher une condamnation de la Cour de Strasbourg. Les Nations-Unies ont aussi souligné cette année que l'hébergement des migrant.es sans titre de séjour doit être en conformité avec les droits humains.
L'ONG demande au cabinet de concevoir des foyers pour migrants non titulaires de titre de séjour et conformes aux droits humains, afin que personne ne soit laissé dehors, dans le froid.
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