La ville d'Alsasua, dans la région espagnole de Navarre, avait été le théâtre, en octobre 2016, d'une rixe entre plusieurs jeunes hommes et deux agents de la Guardia Civil qui n'étaient pas en service et étaient accompagnés de leurs compagnes. Résultat de la bagarre : l'un des policiers a été blessé à la cheville et a dû subir une opération, et son collègue a quant à lui subit des blessures mineures. Selon eux, tout au long de la bagarre, les jeunes n'ont cessé de leur dire que leur présence dans la ville n'était pas appréciée et qu'ils devaient quitter la région. Deux individus ont été immédiatement arrêtés et ont dû comparaître devant le juge d'instruction de Pampelune, la capitale de la région de Navarre.
Le 18 octobre, une plainte a été déposée par une association de victimes du terrorisme auprès de la Audiencia Nacional (le tribunal central du pays qui détient une compétence exclusive en matière de crimes et infractions liés au terrorisme), considérant que les fait susmentionnés pouvaient être décrits comme des actes terroristes et des crimes de haine. Suite à la plainte, la Audiencia Nacional a engagé des procédures dès le 25 octobre 2016, soit 9 jour après la bagarre, et le juge d'instruction de Pampelune saisi la Audiencia Nacional, le 8 novembre de la même année.
Un appel contre cette décision a été présenté devant la Cour d'Appel de Navarre. La Cour d'appel a ensuite renversé la décision du juge de Pampelune, lui ordonnant de saisir la Cour suprême. Le 1er juin 2017, ce tribunal a décrété qu'il revenait exclusivement à la Audiencia Nacional d'enquêter sur les faits ayant eu lieu à Alsasua, puisqu'il y avait des éléments de preuve prima facie attestant de l'existence d'infractions terroristes.
Le 5 juillet 2027, huit individus ont été officiellement accusés d'infractions terroristes pour leur supposée participation à la rixe ayant éclaté dans le bar d'Alsasua.
Les accusés placés en détention provisoire et sous haute surveillance
Le 14 novembre 2016, dix personnes ont été détenues dans plusieurs villes de Navarre et du Pays basque espagnol et transférés à la Audiencia Nacional. Le juge d'instruction a ensuite ordonné la détention provisoire de trois d'entre eux, qui ont été placés dans différentes prisons de Madrid, sous un régime de supervision et de contrôle spécial, connu sous le nom de “Ficheros de Internos de Especial Seguimiento”, FIES (liste des détenues placés sous supervision spéciale).
Les chefs d'accusation du procureur
Dans son réquisitoire du 5 juillet, le procureur a conclu que les faits s'étant produits dans le bar constituaient :
- quatre infractions de terrorisme ayant causé des blessures
- deux infractions de menaces terroristes
Le procureur a également estimé que les fait pouvaient parallèlement être décrits de la façon suivante
- Un trouble à l'ordre public lié au terrorisme
- Une agression commise contre l'autorité
- Quatre infractions pour blessures corporelles
- Deux infractions de menaces terroristes
Le procureur a établit l'intention terroriste car certains des accusés avaient préalablement participé aux activités d'une mouvement social qui préconisait le retrait de la Navarre des forces de police nationale (la Guardia Civil et la Policía Nacional). Le procureur a estimé qu'il s'agit également de l'une des anciennes revendications du groupe terroriste ETA.
Aussi, selon le procureur, le fait que certains des accusés qui avaient participé à la bagarre d'octobre 2016, avaient également des liens dans les activités d'un mouvement social non violent, suffit-il à conclure qu'ils avaient des intentions terroristes.
Le procureur a demandé des peines de 50 années d'emprisonnement pour sept des accusés, et une peine de 62 ans pour l'un d'entre eux.
Des inquiétudes quant au respect des droits humains et du droit à un procès équitable
Rights International Spain s'inquiète et estime que la décision de la cour de poursuivre les accusés sur la base du terrorisme pour les actes décrits plus haut constitue une action judiciaire disproportionnée. Les arguments présentés par le procureur dans son réquisitoire justifiant l'existence d'une intentionnalité, sont extrêmement faibles. En outre, des actes similaires ont été commis dans d'autres régions d'Espagne (en dehors de la Navarre et du Pays basque) visant des policier.es, et ont pourtant reçu un autre traitement judiciaire. Cela pose la question de la potentielle discrimination dans cette affaire.
Les avocats de la défense ont critiqué le rejet de la Audiencia Nacional de leur demande de preuves (vidéos, photos, témoins, etc.), alors que dans le même temps, les requêtes de preuves du procureur ont quant à elles été bien reçues. L'inadmissibilité de presque toutes les preuves apportées par la défense constitue une violation du droit à une protection judiciaire effective et du droit à un procès équitable.