Le nombre de personnes en détention injustifiée dans les Pays-Bas est toujours en augmentation. L'année dernière, le pays a accordé 28,8 millions d'euros de dommages et intérêts à 6.112 personnes en raison de la détention injuste. Dix ans plus tôt, seulement 1.874 personnes ont reçu des dommages-intérêts pour la même raison. D'anciens détenus ont droit à des dommages-intérêts quand ils ont été acquittés ou si ils ont été tenus en détention injustifiée provisoire.
Selon l'Association néerlandaise des conseils de la défense, l'augmentation a à voir avec le fait que les juges néerlandais ont tendance à placer les suspects en détention provisoire trop rapidement. De tous les détenus aux Pays-Bas, près de la moitié sont en détention préventive. Ces gens font leurs peines sans condamnation officielle. Depuis 2003, les Pays-Bas a été un avant-coureur en Europe en matière de détention préventive.
La CEDH et la CESDH
Les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (CESDH) prévoient le droit de chacun à vivre dans la liberté et la sécurité et - en cas de poursuite - du droit à un procès équitable et à être considéré comme innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit prouvée devant un tribunal de droit. Article 5, paragraphe 1c de la CESDH estime que nul ne devrait être privé de sa liberté, sauf «l'arrestation ou la détention d'une personne effectuée dans le but de le traduire devant l'autorité judiciaire compétente sur un soupçon raisonnable d'avoir commis une infraction ou quand il est raisonnablement considéré comme nécessaire pour éviter de commettre une infraction ou fuir après les faits». Le principe selon lequel une personne devrait être en mesure d'attendre son procès en autant de liberté que possible est à la base de ces deux droits.
Dans sa jurisprudence, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a affirmé les droits mentionnés ci-dessus à plusieurs reprises. La CEDH a établi que le soupçon raisonnable mentionné à l'article 5, paragraphe 1c, au cas où il existe, peut être déduit des faits ou de l'information de personnes qui sont soumises au même système juridique sur le suspect ayant commis l'infraction (voir O'v Hara. Royaume-Uni, 2001). En outre, il a établi des motifs sur lesquels il peut être déterminé que le suspect ne peut attendre son procès en liberté (voir Smirnova c. Russie, 2003, et Piruzyan v. L'Arménie, 2012). Une fois de plus: les bases sont axées sur le droit qu'une personne qui devrait être en mesure d'attendre son procès en autant de liberté que possible.
L'Union européenne
Outre le Conseil de l'Europe, le Conseil de l'Union européenne a également incité les lignes directrices pour freiner l'imposition et la longueur de la détention préventive. Dans sa résolution du 30 novembre 2009 (2009/C295/01), le Conseil de l'Union européenne note que la longueur de la détention provisoire varie considérablement dans les Etats membres et affirme que cela est non seulement néfaste pour les individus, mais également à la coopération judiciaire entre les Etats membres et les valeurs de l'Union européenne. Dans le Livre vert qui a été publié par la Commission européenne le 14 juin 2011, suite à la résolution, il est souligné une fois de plus que la détention provisoire est une mesure de dernier recours, qui devrait être appliquée pour un minimum de temps.
Les Pays-Bas: tendances opposées
L'examen ci-dessus des développements au sein du Conseil de l'Europe et l'Union européenne à l'égard de la détention pré-procès montre que les Pays-Bas est non seulement à la traîne dans ce domaine, mais en fait rame à contre courant. Les chiffres mentionnés ci-dessus indiquent un développement indésirable. Cette évolution est le résultat d'un climat politique qui appelle à des sanctions plus sévères et une plus grande possibilité d'imposer la détention préventive.
Le 29 janvier 2010, l'ancien ministre de la Justice, Hirsh Ballin, a écrit une lettre à la Chambre des représentants en affirmant que certaines infractions exigent une réaction judiciaire directe. Il a proposé l'instrument de la justice sommaire ainsi que l'inclusion de ces infractions à l'article 67a du Code de procédure pénale comme motif de détention provisoire. Le 20 mai 2011, l'ancien ministre de la Sécurité et de la Justice Ivo Opstelten et l'ancien Secrétaire d'Etat pour la sécurité et la justice Fred Teeven a eu une proposition législative qui vise à élargir les motifs de cet article. Cette modification de la loi est entrée en vigueur le 1 janvier 2015.
Ces développements contribuent au renforcement de la position de leader en Europe des Pays-Bas concernant l'imposition de la détention provisoire. Malgré les signaux clairs de l'Europe, sur le plan national aux Pays-Bas on met en œuvre une politique qui n'est pas en ligne avec le développement du principe qu'une personne devrait être en mesure d'attendre son procès en autant de liberté que possible. Ceci est une tendance indésirable dans le cadre des articles 5 et 6 de la CEDH.
Contribution de Bram van Lieshout