Après avoir interrogé leurs homologues polonais pour la quatrième fois, les ministres des affaires étrangères des 27 autres pays membres de l'UE ont quitté leur réunion de mardi dernier sans être convaincus des efforts de Varsovie, qui prétend maintenir l'état de droit en Pologne. Selon les représentants de l'UE, les efforts en vue de sanctionner Varsovie pour avoir porté atteinte à l'état de droit continueront après cette tentative de défense échouée de la part de la Pologne.
Le Premier Vice-Président de la Commission européenne, Frans Timmermans, a indiqué au sortir de cette réunion : "je tiens à être très clair : le menace systématique pour l'état de droit persiste. Pour être à même de dire que ce problème ne persiste plus, le gouvernement polonais doit en faire plus".
La Commission européenne a enclenché pour la première fois la procédure de l'état de droit contre un État membre pour avoir affaibli les principes et équilibres démocratiques à la fin de l'année 2017.
À l'époque, la CE avait énuméré quatre inquiétudes majeures concernant les réformes de la Pologne. La CE avait demandé à ce que la Pologne :
- ne réduise pas l'âge de départ à la retraite des juges en fonction
- supprime le pouvoir discrétionnaire du président lui permettant de prolonger le mandat des juges de la Cour Suprême
- supprime le nouveau régime des retraites pour les juges, et le pouvoir discrétionnaire du ministre de la justice en la matière
- restaure l'indépendance et la légitimité du Tribunal constitutionnel.
Aucun signe de bonne volonté de la part de Varsovie
Malgré les nombreux avertissements et les affaires en cours à la Cour de justice de l'UE, le représentant du gouvernement nationaliste en pouvoir en Pologne a insisté sur le fait qu'il agissait en accord avec ses droits souverains et en conformité avec la Constitution du pays dans la promulgation des réformes. Le Secrétaire d'État de la Pologne, Konrad Szymański, qui aura défendu les réformes pendant plus d'une heure, n'a annoncé aucune intention de changer ou abroger les réformes faisant polémique.
Ces réformes permettent notamment au gouvernement polonais de congédier jusqu'à 40% des juges actuellement en fonction à la Cour Suprême et d'accorder au ministre de la Justice de nouveaux pouvoirs lui permettant de prendre des mesures disciplinaires contre les juges. En outre, la question la plus urgente aux yeux de l'UE reste la loi relative à la Cour suprême, qui rentrera en vigueur le 3 juillet 2018.
Outre les inquiétudes d'un point de vue juridique de l'UE et les critiques toujours plus vives des ONG de défense des droits, le gouvernement polonais est de plus en plus isolé parmi les États membres de l'union. Cela est particulièrement inquiétant pour Varsovie, compte tenu des actuelles négociations pour le budget des sept années à venir (période qui commencera en 2021) et pour les prochaines élections du Parlement européen de 2019.
Varsovie isolée, Bruxelles indécise
La procédure de l'état de droit de l'UE, déclenchée par l'Article 7 du Traité de l'UE, pourrait aboutir à la suspension des droits de vote de la Pologne au Conseil européen. Toutefois, ce choix très fort requiert l'unanimité des 27 autres pays, et la Hongrie, grande alliée de Varsovie, a promis de bloquer une telle décision.
La réticence du gouvernement polonais à l'heure d'aborder et traiter les inquiétudes soulevées par l'UE montre bien à quel point l'UE a du mal à remettre sur de bons rails les pays membres qui ont bafoué ses droits et valeurs. Néanmoins, pour l'heure, la Commission et le Conseil ont décidé d'aller de l'avant et de poursuivre la procédure, afin de maintenir la pression exercée sur Varsovie.