Le mois des Pride en Italie se déroule dans 28 villes du pays, où des milliers de personnes ont déjà manifesté et marché pour améliorer la visibilité, l'acceptation, les protections légales et les droits des personnes LGBT.
Les participant.es sont bien entendu conscients de l'importance de ce mouvement, qui est à la fois le symbole d'une mobilisation continue qui s'est enracinée dans les évènements majeurs depuis plusieurs décennies, et une forme de manifestation pour revendiquer plus de droits et davantage sensibiliser sur les questions liées aux personnes LGBT en Italie et dans le monde entier.
"Nous avons le sentiment que nous représentons une bataille qui a commencé le 28 juin 1969 avec les émeutes de Stonewall contre toutes les formes d'oppression, d'abus, d'homogénéisation culturelle et de normalisation de nos identités, de nos orientations affectives et sexuelles", a déclaré Sebastiano Secci, président de Circolo Mieli et porte-parole de la Pride de Rome.
L'origine de la Pride : le soulèvement de Stonewall
Pourquoi un soulèvement qui s'est déroulé il y a plus de 50 ans de cela aux USA a encore un impact fort sur la communauté LGBT au niveau mondial?
En 1960, aux USA, la société était marquée par de fortes tensions entre la communauté LGBT et la police. À New York, par exemple, une loi de l'État punissait les propriétaires de bars qui servaient les homosexuels pour le motif qu'ils "encourageaient" l'homosexualité, alors vue comme "un crime contre la nature".
La nuit du 28 juin 1969, la police organise une descente dans le bar Stonewall Inn, à New York. L'homosexualité étant encore illégale dans la plupart des États américains à l'époque, les descentes et perquisitions étaient fréquentes.
Mais ce soir-là, cependant, de nombreuses personnes prennent position contre l'emprisonnement injuste des homosexuels, ce qui donne lieu à un mouvement qui réussit à mobiliser des milliers de gens.
Les cris se transforment rapidement en confrontations physiques. Parmi les participants, Sylvia River, femme transgenre, lance une chaussure à talon aiguille sur un policier : cela deviendra le symbole du soulèvement de Stonewall.
Cet évènement aura encouragé de nombreuses personnes à dénoncer ouvertement l'injustice faite aux membres de la communauté LGBT, marquant le début d'une prise de conscience.
Selon Richard Joseph Leithsch, président de la première organisation pour les droits des gays aux USA, la Mattachine Society, c'était la première fois que des milliers de personnes LGBT marchaient ensemble pour défendre leurs droits.
La signification et la valeur de de cet évènement pour la communauté LGBT réside dans l'invisibilité politique et l'absence de protection sociale et gouvernementale (généré par des flous juridiques dans la loi) qui duraient depuis si longtemps.
Et en raison de tout cela, la communauté LGBT a décidé de se battre pour la reconnaissance de ses droits, donnant vie à la Gay Pride, ou Marche des fiertés.
Les droits des LGBTI en Italie : quand la discrimination est institutionnalisée
L'outil d'évaluation de ILGA-Europe révèle que l'Italie se classe au 32ème rang européen des lois et politiques de promotion de l'égalité pour les personnes LGBTI. Avec la mise en place de la réforme sur les unions civiles en Italie de 2016, la position de l'Italie vis-à-vis de l'égalité des droits est relativement basse.
Les perspectives d'amélioration sont entravées par le parti au pouvoir Lega-Movimento 5 Stelle, hostile à l'égalité des droits. Et Lorenzo Fontana, actuel ministre de la famille, l'a bien montré en soutenant ouvertement la famille traditionnelle et qualifiant les unions civiles entre personnes du même sexe de "sales" (“schifezze”). Ce dernier a également déclaré dans une interview donnée à Corriere della sera, qu'une "famille normale" était composée d'une mère, d'un père et d'enfant, niant l'existence de parents de même sexe et de toutes les familles qui ne rentrent pas dans sa définition étroite de la famille. Suite à ces propos, de nombreuses organisations de défense des droits LGBT ont exprimé leurs inquiétudes pour l'avenir des droits humains et droits fondamentaux sous ce nouveau gouvernement.
"Comment un ministre d'un pays peut-il publiquement déclarer que nous et nos enfants n'existons pas, quand nos enfants sont parfaitement intégrés dans la société, à l'école, auprès des autres enfants, et quand la Cour constitutionnelle, la Cour de Cassation et de nombreuses municipalités enregistrent nos enfants à la naissance et reconnaissent nos droits en tant que famille devant l'État italien?", se demande indignée Marilena Grassadonia, de l'organisation Famiglie Arcobaleno.
À ce jour, l'Italie est encore un endroit où être LGBTI affecte grandement l'égalité d'une personne (ce qu'examine la Coalition italienne des libertés civiles (CILD), ONG membre de Liberties dans son guide des élections 2018).
Alors que des efforts considérables ont été menés en vue d'améliorer la situation, la nécessité de réformer les règles concernant la définition de la famille (et plus généralement de lutter contre toutes les formes d'homophobie, transphobie et biphobie) n'est pas au programme du nouveau gouvernement.
Mobiliser pour la protection des droits de la communauté LGBT
Le Mois des Prides 2018 est particulièrement important en vue d'améliorer la situation des personnes LGBT et l'état de leurs droits. Le Mois des Prides a commencé à Bergame le 19 mai dernier, et se terminera en septembre avec la Marche de Palerme (retrouvez ici les dates officielles des Marches par ville)
Le 9 juin, la Gay Pride de Rome a rassemblé des milliers de personnes, défilant sous le slogan "Brigades arc-en-ciel, la libération continue". Des figures importantes, telles que Tina Costa, membre éminent de la Brigade Garibaldi, y ont pris part.
Cela montre bien l'importance de la prise en compte de la multitude d'appartenances à des groupes et identités, afin de mieux comprendre les expériences individuelles sociales et les visions du monde, permettant d'ouvrir la voie l'intégration des individus et à l'acceptation.
Le Mois des Prides place les individus dans le contexte de la diversité afin de défendre l'égalité des droits. C'est l'esprit même de Magen David Keshet Italy, une organisation indépendante qui unit les LGBTI juifs.ves, qui ont participé à la Pride de Rome afin de promouvoir et soutenir les membres de la communauté LGBTI dans sa lutte pour les droits.
Le Mois des Prides ne devrait aussi pas être vu comme un évènement réservé aux minorités. "Je suis hétéro, mais je pense qu'il est important d'être ici. Je suis ici pour défendre la liberté, lutter pour le droit d'être avec qui on veut, me battre pour défendre le bonheur de tous", explique Irène, jeune activiste.
Bien que le maire de Rome n'ait pas participé à la Marche, Chiara Appendino, la maire de Turin, a marché avec de nombreux locaux et touristes ayant participé à la Pride de Turin. Les prides se dérouleront dans de nombreuses autres villes italiennes, dont Milan (30 juin), Bologne (le 7 juillet) et Naples (14 juillet).
49 ans après le soulèvement de Stonewall, la Gay pride représente encore une chance de marcher pour défendre ses droits et dépasser l'idée de l'hétéronormativité.
La lutte contre la discrimination et la défense de l'égalité ne devrait pas être restreinte à des dates spécifiques. Seul un travail quotidien de défense de ces valeurs peut réellement contribuer à créer une société et des politiques plus inclusives.