La plainte, déposée le 13 mai dernier, a été adressée au Procureur général contre le Premier ministre et le ministre de la Justice pour la commission des infractions de traitement inhumain et dégradant e pour non-assistance à personnes en danger
La grève des agents pénitentiaires en cours dans plusieurs prisons de Wallonie et de Bruxelles a mis en lumière, en en amplifiant dramatiquement les effets, la calamiteuse réalité carcérale et l’immobilisme des gouvernements successifs sur cette matière, il est vrai peu porteuse électoralement. Car qui, à l’heure de l’austérité, se soucie des conditions de vie des détenus ?
Pas le gouvernement en tout cas qui ignore avec une impressionnante constance les cris d’alarme répétés de toutes les instances qui se sont penchées sur cette question, qu’elles soient nationales (médiateur fédéral, bourgmestres, commissions de surveillance, conseil central de surveillance pénitentiaire) ou internationales (Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), Comité européen pour la prévention de la torture (CPT)).
Malgré leurs interpellations précises et circonstanciées, le Premier ministre et le ministre de la Justice ont refusé de prendre les mesures qui s’imposent pour faire cesser l’infraction pénale de traitement inhumain et dégradant auxquels dont sont victimes les détenus des différents établissements pénitentiaires du royaume.
L'armée déployée pour résoudre la crise
Le rapport du CPT publié en mars dernier, comme d’autres avant lui, faisait pourtant état des conditions de vie, d’hygiène et de sécurité accablantes de la prison de Forest. L’action de grève qui soutient les revendications légitimes des agents pénitentiaires a transformé des conditions de vie inacceptables en une situation désormais inhumaine et plus que jamais dégradante pour les détenus.
Un courrier envoyé le 11 mai par Avocats.be à l’ensemble des membres du gouvernement fait état de la dramatique situation dans laquelle se trouvent actuellement les détenus de la prison de Forest : trois fois une demi-heure de préau au mieux pour les détenus depuis 15 jours, aucune visite, pas de renouvellement du linge… Sans parler de l’état de délabrement très avancé de cette prison.
La seule réaction concrète du gouvernement, par l’entremise du ministre de la Justice, a été d’envoyer des soldats, pas du tout formés à cette tâche, à Forest et dans les autres prisons de Wallonie et de Bruxelles. Une réponse d’autant plus contestable que cette mission, présentée comme humanitaire, s’est avérée être une mission de sécurisation des lieux- les soldats n’ayant eu aucun contact avec les détenus. Aucune ébauche de mesure n'a été entreprise visant à sortir les détenus de la prison de Forest d’un contexte sanitaire et organisationnel qui est désormais, à lui seul, un vecteur structurel de traitements inhumains et dégradants.
La gravité des conséquences de l’immobilisme du gouvernement est désormais telle que la santé, tant physique et mentale, des détenus est mise gravement en danger.
Pour une nouvelle politique carcérale a visage humain
Dans ces conditions absolument intolérables en matière de respect des droits humains, et vu le manque de volonté flagrant du gouvernement pour prendre les mesures conjoncturelles et structurelles indispensables, la LDH a, ce vendredi, déposé plainte auprès du Procureur général de Bruxelles contre le Premier ministre et le ministre de la Justice, d’une part, pour la commission, par omission d’agir, des infractions de traitement inhumain et dégradant et, d’autre part, pour non-assistance à personnes en danger. La décision de porter plainte de la LDH est à la mesure des enjeux et à l’aune de l’inertie de ce gouvernement et de ceux qui l’ont précédé. Toutes les voies de recours ayant été épuisées, il ne reste dès lors à la LDH qu’une plainte au pénal pour mettre le gouvernement face à ses responsabilités à travers, d’une part, le chef du Gouvernement, responsable de la politique d'austérité imposée notamment, aux établissements pénitentiaires, et, d’autre part, le ministre de la Justice, exécutant consentant d’une politique assimilable à non-assistance à personne en danger.
La LDH rappelle à l’ensemble du gouvernement que les conditions de travail respectant les droits des agents pénitentiaires et les conditions de détention respectant les droits des détenus sont profondément imbriquées et qu'elles doivent, toutes deux, être revues à la hausse. En ce sens, il est urgent que le gouvernement investisse enfin politiquement et budgétairement dans une nouvelle politique pénale et carcérale humaine.