Tout comme l’avait également précisé le Conseil d’État dans un avis particulièrement critique, les organisations sont d’avis que cette loi va à l’encontre de la Constitution et qu’elle viole la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies. Les mesures proposées dans la nouvelle loi, qui a pour but de lutter contre les reconnaissances frauduleuses, sont complètement disproportionnées et, de plus, inutiles, dès lors qu’il existe déjà des mécanismes pour combattre la fraude.
La nouvelle loi contre les reconnaissances frauduleuses, qui entrera en vigueur dès le 1er avril, permet à l’officier de l’état civil d’une commune de refuser d’acter la reconnaissance de la filiation d’un enfant si il ou elle estime que la reconnaissance est frauduleuse et a pour but uniquement d’obtenir un séjour légal. Ce texte est problématique à plusieurs égards.
L’intérêt supérieur de l’enfant passe à la trappe
L’intérêt supérieur de l’enfant, l’un des principes majeurs de la Convention relative aux droits de l’enfant et ancré dans la Constitution belge, est le grand oublié. En effet, la nouvelle loi permet à l'officier de l’état civil de refuser le constat de la reconnaissance d’un enfant, uniquement sur base
d’une suspicion de fraude, sans devoir vérifier si ce refus respecte l’intérêt supérieur de l’enfant. La loi va même encore plus loin puisqu’un fonctionnaire peut refuser la reconnaissance si il ou elle peut déduire d’une « combinaison de circonstances » que la personne concernée essaie d’établir une filiation uniquement pour des raisons frauduleuses et ce même lorsqu’il y a un lien biologique avec l’enfant.
Un pouvoir démesuré laissé à l’officier de l’état civil, sans possibilité de recours contre sa décision
Selon la nouvelle loi, un officier de l’état civil peut, uniquement sur base de son appréciation personnelle, décider d’acter ou non une reconnaissance. D’ailleurs, la nouvelle loi ne prévoit pas de recours spécifique, rapide et accessible à tous contre la décision du fonctionnaire de l’état civil de refuser la reconnaissance.
Des mesures disproportionnées et inutiles
Les mesures proposées sont complètement disproportionnées par rapport au but qu’elles doivent atteindre (combattre la prétendue fraude), vu qu’elles peuvent avoir pour conséquence qu’on refuse de reconnaître une filiation à un enfant.
Or, il existe déjà deux mécanismes pour combattre le prétendu phénomène des reconnaissances frauduleuses : le refus ou le retrait du séjour du parent obtenu sur base de la reconnaissance frauduleuse, et une action en annulation contre l’acte de reconnaissance. Ces mécanismes sont utilisés depuis des années pour combattre de manière efficace les cas de fraude dévoilés.
Une discrimination entre des enfants sont nés en Belgique
La loi crée une différence de traitement entre les enfants nés en Belgique de parents en séjour légal et les enfants nés en Belgique dont seul l’un des parents est en séjour légal. En effet, pour les premiers, la reconnaissance ne peut jamais être refusée. Cette différence est injustifiable et la loi viole ainsi les principes d’égalité et de non-discrimination.
De graves conséquences pour les enfants
Les enfants qui, suite au refus d’un officier de l’Etat civil, ne peuvent être reconnus par leur père belge, européen ou étranger avec un droit de séjour en Belgique, n’obtiendront pas de statut de séjour. En dehors du fait que leur filiation n’est pas constatée, les conséquences pour les enfants en séjour
irrégulier sont sérieuses puisqu’ils se voient privés de leurs droits sociaux (mutuelle, allocations familiales…) et risquent d’être expulsés avec leur mère. Concernant les enfants qui ne peuvent être reconnus par leur père en séjour irrégulier : ceux-ci risquent d’être séparés définitivement de ce père si ce dernier est expulsé de notre pays.
Selon la situation, il est possible que ces enfants à qui une filiation est refusée ne puissent apprendre à connaitre leur parent ou tisser un lien avec lui, qu’ils n’aient pas droit à une contribution alimentaire de ce parent, et qu’ils ne puissent hériter de lui… Dans certains cas, ces enfants ne connaîtront même pas leurs origines. Ces diverses conséquences constituent ainsi de graves violations des droits de l’enfant.
Les 11 organisations qui introduisent le recours:
UNICEF Belgique
La Kinderrechtencoalitie Vlaanderen
La Coordination des ONG pour les Droits de l’Enfant
Medimmigrant
Coordination des Initiatives pour Réfugiés et Etrangers (C.I.R.E.)
Point d’Appui – Service d’Aide aux personnes sans papiers
Service Droit des Jeunes (S.D.J.)
La Ligue des Droits de l’Homme
L’Association pour le Droit des Etrangers (ADDE)
Défense des Enfants (DEI) Belgique
L’Ordre des Barreaux Francophones et Germanophone (l’O.B.F.G.)