Les environnementalistes et défenseurs de la nature comparent l'actualité récente en Slovénie, où le nouveau gouvernement a limité l'accès à la participation du public et à la justice pour les ONG de protection de l'environnement, à un "pogrome" et une "déclaration de guerre contre la protection de la nature et de l'environnement".
En avril dernier, le gouvernement a inclus dans son ensemble de mesures adoptées dans le cadre de son plan de relance, suite à la crise sanitaire causé par l'épidémie de coronavirus, des dispositions visant à changer les réglementations concernant les permis de construire et à accélérer les investissements dans ce domaine. Parmi les dispositions qui simplifient les procédures permettant d'obtenir les permis, il faut noter la mise en place de conditions d'accès plus difficiles pour les ONG de protection de l'environnement qui souhaiteraient participer aux procédures d'octroi des autorisations. Selon l'Agence de presse slovène, de telles solutions permettent aux investisseurs d'outrepasser l'intérêt général et la préservation de la nature.
Les dispositions introduisent de nouvelles conditions pour la participation des ONG de défense de l'environnement aux procédures : elles sont désormais tenues de compter au moins 50 membres actifs, ce que les ONG doivent prouver avec les frais d'adhésion/cotisations et avec une preuve du nombre de personnes présentes lors des assemblées générales. Quant aux organisations environnementales qui ont le statut d'institut, elles doivent avoir sur le terrain au moins trois employés à temps plein et diplômés. En ce qui concerne les institutions et fondations, elles doivent avoir au moins 10 000 euros dans leur trésorerie. Les conditions pours ces trois formes d'organisations s'appliquent rétrospectivement, et les deux dernières années d'activité sont prises en compte.
En Slovénie, les ONG reconnues d'utilité publique travaillant dans le domaine de la protection de l'environnement peuvent, en vertu de la loi de Protection de l'environnement, se constituer parties dans les procédures et peuvent engager des poursuites judiciaires et faire appel de décisions concernant des questions liées à l'environnement. Jusqu'à maintenant, plusieurs investissements majeurs, qui pourraient grandement affecter l'environnement, ont été contestés juridiquement et avec succès par des ONG, notamment dans le cadre de procédures d'octroi de permis de construction. Certaines de ces organisations comptent moins de cinquante membres. D'autres comptent suffisamment de membres pour remplir les nouveaux critères, mais n'ont pas collecté les frais de cotisations, cela n'étant pas obligatoire, conformément aux règles du secteur. De plus, les organisations se souhaitent pas communiquer leurs listes de présence lors des AG.
Des dispositions restrictives contestées auprès du Tribunal constitutionnel
En clair, les nouvelles dispositions et conditions, incluses soudainement dans la législation dans le cadre du plan de relance, et adoptées par le Parlement via une mesure d'urgence, sans consultation publique et sans suivre une procédure législative régulière, éliminent de facto la possibilité pour une grande majorité d'ONG de protection de l'environnement reconnues d'utilité publique d'exercer leurs droits et de représenter l'intérêt général. Cela les empêche concrètement de faire valoir leur droit d'accès à la justice et leur droit de participer aux procédures.
On compte actuellement 30 ONG de protection de l'environnement et 47 ONG de préservation de la nature qui sont reconnues d'intérêt public, mais seules quelques unes d'entre elles peuvent satisfaire les nouveaux critères en vue de participer aux procédures d'octroi des permis. La partie la plus controversée des dispositions concerne l'obligation de remplir les critères de manière rétrospective, en prenant en compte les deux dernières années d'activité des organisations. Les ONG, mais aussi des centaines d'experts indépendants et d'autres acteurs de différents domaines en matière de protection de l'environnement, ont appelé le gouvernement à ne pas introduire de telles mesures, en vain, la loi ayant déjà été adoptée. Par conséquent, trois ONG ont d'ores et déjà fait appel de la décision auprès du Tribunal constitutionnel du pays.
Mais en mai 2020, de nouveaux critères concernant la participation des ONG dans les procédures d'octroi de permis de construire ont également été introduites dans des amendements apportés à la Loi de conservation de la nature. Cette procédure législative n'est pas encore terminée, mais le projet a recueilli le soutien d'une majorité de parlementaires. Cela signifie que certaines ONG de protection de l'environnement en Slovénie perdront leur statut, et que par conséquent leur droit d'accès à la justice et leur droit de participation du public aux procédures, non pas de manière temporaire (pendant la crise sanitaire) et non pas uniquement à des fins de déréglementation pendant cette période, mais de manière permanente et pour toutes les procédures liées à la protection de la nature et de l'environnement.
Ce troisième ensemble de mesures, en cours de préparation, inclut des conditions identiques pour les ONG à celles adoptées dans le deuxième paquet de réformes, qui restera en vigueur jusqu'à fin 2021. En outre, des modifications de la Loi sur la protection de l'environnement et de la Loi sur les constructions et la planification d'aménagement du territoire ont été annoncées. Ces dernières ont très clairement pour objectif de réduire les droits des ONG.
Le ministre de l'environnement défend les intérêts des investisseurs
Tous ces événements sont traités par les médias du pays, certains d'entre eux critiquant les mesures adoptées, et les grandes chaînes de télévision ont également invité le Ministre de l'environnement et de la planification de l'aménagement du territoire à rencontrer des représentants d'ONG. Le ministre présente les ONG comme un obstacle à la réalisation de grands projets d'infrastructures dans le pays, affirmant que ces dernières font un mauvais usage de leur statut, tout en bénéficiant de subventions publiques.
Le ministre de l'environnement est membre du parti SDS, qui utilise régulièrement un rhétorique calomnieuse à l'encontre des ONG et prône des mesures restrictives contre ces dernières et ce dans de nombreux domaines, protection de l'environnement comprise. Cependant, l'actuel ministre a déjà un petit bagage en matière d'hostilité à l'égard des organisations de défense de l'environnement et préservation de la nature. Avant d'occuper cette position, le ministre de l'environnement, Andrej Vizjak, était le chef du service des investissements et du développement du producteur d'hydroélectricité Hidroelektrarne na Spodnji Savi (HESS). En 2019, le tribunal avait suspendu le permis environnemental pour la nouvelle centrale de l'entreprise (HPP Mokrice), sur le fleuve Sava, suite aux poursuites engagées par une ONG de protection de la nature. L'entreprise doit donc à nouveau suivre la procédure d'octroi de permis, et, en tant que ministre de l'environnement, Andrej Vizjak, est en train de s'assurer que cette fois-ci, aucune ONG ne viendra se mettre en travers de ce projet de construction de centrale. L'investissement représenté par ce dernier s'élève à 166,6 millions d'euros, dont 75 millions provenant du budget de l'État.
Plusieurs manifestations citoyennes
Les restrictions de l'accès a la justice pour les ONG et de la participation du public (et donc des ONG) aux procédures a provoqué la tenue de plusieurs manifestations devant le Parlement, pendant les sessions parlementaires. Dans le même temps, les manifestations à vélo, qui rassemblent généralement des milliers de manifestants à Ljubljana, dénoncent l'interférence politique dans l'approvisionnement des ventilateurs et matériels de protection au cours de l'épidémie de coronavirus, mais sont aussi en partie motivées par les restrictions mises en place concernant la protection de l'environnement.
Comme ils l'ont expliqué à la presse, les représentants des ONG de protection de l'environnement de Slovénie soulignent le fait que les précédents gouvernements, composés de membres de parti de centre-gauche, ainsi que de nombreux maires de villes, quelque soit leur couleur politique, ont mené des efforts similaires en vue de restreindre les droits des ONG et gêner leur travail. Et pendant le mandat du précédent gouvernement (de centre-gauche), plusieurs membres de ce dernier avaient proposé de restreindre les critères concernant la participation des ONG de protection de l'environnement dans les procédures d'octroi de permis de construire. Pourtant, ces propositions avaient été rejetées par le ministre de l'environnement de l'époque, qui avait mentionné les obligations de la Slovénie concernant l'application de la Convention Aarthus. Mais les restrictions attendaient sagement d'être mises en place, un peu plus tard.