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Espagne : la mort de la juridiction universelle prive les plaignants de leurs droits

En 1985, l'Espagne est devenue pionnière en matière d'application de la juridiction universelle. Mais en 2014, la loi a été modifiée, entraînant la clôture de nombreuses affaires en cours, privant ainsi de nombreux plaignants de leurs droits.

by Rights International Spain
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La Loi sur le pouvoir judiciaire de 1985 prévoyait l'une des dispositions sur la juridiction universelle la plus large au niveau mondial. L'Espagne était devenue une pionnière dans l'application de la juridiction universelle. Cependant, son succès, dû au fait qu'elle offrait un recours effectif aux victimes de violations des droits humains considérés comme des crimes internationaux, est devenu une menace pour certaines figures politiques et pour les relations entre les États.

La lente disparition de la juridiction universelle en Espagne

Le régime de juridiction universelle a été réformé en 2009 dans le pays. La réforme limite l'habilité des tribunaux espagnols d'enquêter et poursuivre des personnes pour des crimes commis en dehors des frontières de l'Espagne. Une réforme additionnelle de 2014 a entraîné la suppression totale de la juridiction universelle en Espagne pour les crimes internationaux les plus graves. Elle a mis en place un large ensemble de conditions complexes à remplir avant que les cours espagnoles puissent affirmer leur compétence pour juger de ces crimes. D'un point de vue pratique, cette nouvelle loi a entrainé la cloture automatique de toutes les dossiers en cours. Depuis 2014, la loi s'est appliqué non seulement aux affaires à venir mais aussi à toutes les enquêtes pendantes (en vertu du caractère rétroactif de la loi).

Pendant toutes ces années de procédures de juridiction universelle, aucune plainte déposées auprès de la CrEDH n'a passé le filtre d'admissibilité jusqu'à août 2020, lorsque la Cour a annoncé l'affaire Couso Permuy case against Spain. Pour cette raison, Rights International Spain a soumis une intervention de tierce partie auprès de la CrEDH.

Le contexte de l'affaire

En avril 2003, le caméraman Jose Couso meurt à Bagdad (Irak) après avoir été atteint par un projectile lancé par un tank américain, qui visait l'hôtel où il se trouvait. Sa famille dépose plainte auprès de la Cour nationale en mai 2003, demandant à la cour de clarifier les circonstances de la mort de M. Cous, identifier les responsables et les poursuivre en justice. En octobre 2003, le juge d'instruction admet la procédure et ouvre une enquête ordonnant de prendre toutes les mesures d'investigation nécessaires. L'enquête avance à bon rythme mais les conditions d'admissibilité changent en 2014, après 11 années de procédure, et l'enquête s'arrête.

La certitude juridique et la confiance sont des éléments fondamentaux du droit à un procès équitable

À l'époque de la mort de José Couso, le droit espagnol n'exigeait pas la présence des présumés responsables en Espagne pour que lancer l'enquête et les procédures judiciaires. Le juge d'instruction avait vérifié que les critères d'admissibilité en vigueur à l'époque étaient remplis, ce qui était le cas, et avait par la suite ouvert une investigation approfondie. Au bout de 11 années, l'enquête a permis d'identifié et inculper cinq militaires américains pour crimes de guerre et meurtre. Le fait que des mandats d'arrêt internationaux aient été délivrés a forcément accru la confiance légitime dans le fait que ces militaires soient poursuivis.

La famille de la victime exerçait son droit à un procès équitable et a bénéficié d'une protection effective de la part de la cour. Cependant ce droit leur a été retiré suite à la réforme de la loi en 2014, qui a entraîné la clôture de la procédure, ce qui n'était en rien prévu.

Avant 2014, la famille avait une confiance légitime et justifiée dans le fait que l'enquête sur la mort de José Couso permettrait de traduire en justice les responsables. Ils ne pouvaient pas prévoir l'adoption d'une mesure pouvant affecter leurs droits. Des droits qu'ils exerçaient devant des tribunaux espagnols.

Pour Rights International Spain, la loi porte atteinte au droit d'accès à la justice des requérants

Pour Rights International Spain, la cour avait déjà accordé la protection pour les victimes de la famille, et l'application de cette provision rétroactive a eu pour conséquence de les priver de cette protection. RIS estime que le législateur aurait pu choisir un mécanisme juridique moins restrictif pour réformer la loi et n'a pas clairement établit les raisons justifiant la clôture de quasiment toutes les procédures de juridiction universelle pendantes. Par conséquent, la loi de 2014 entraîne une limitation rétroactive injustifiée et démesurée du droit d'accès à la justice des requérants. Cela affecte gravement leur droit à la confiance légitime et porte donc atteinte au principe de certitude juridique, et ce en violation de l'Article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'Homme.

Vous pouvez lire l'intervention de RIS ici.




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