Le régime actuel n’alloue que 50% de l’indemnité mutuelle pour un détenu isolé, soucieux de ne pas réserver à celui-ci un sort économique « plus favorable » que le citoyen libre. Par contre, il maintient l’intégralité de l’indemnité pour le chef de ménage afin de préserver les droits de la famille : l’idée est notamment de ne pas précariser la famille du détenu par une privation de revenu. Nous ne sommes donc pas devant un oubli de l’histoire, un effet d’aubaine que l’actuel Gouvernement viendrait corriger. Il s’agit d’un choix de société fait il y a presque 20 ans qui s’inscrit de façon cohérente avec notre projet de sécurité sociale, à savoir qu’on ne supprime pas une allocation sans analyse de l’impact de cette suppression sur les conditions d’existence, peu importe le statut du citoyen visé.
Le projet de loi du ministre de la Justice Tommelein contredit la loi de principe, la Constitution et le Droit international.
Pour les associations signataires*, il est fondamental d’étudier la protection sociale des détenus non seulement au regard de leur situation durant la période d’incarcération, mais aussi quant à l’aménagement des conditions de réinsertion une fois sortis de prison. L’immense majorité des détenus sortira un jour de prison et la société souhaite que la sortie se traduise en insertion plutôt qu’en récidive. Une exclusion de la sécurité sociale, par la paupérisation que cette exclusion suscite, est un obstacle majeur à la réinsertion.
La justification de la mesure proposée par le Ministre Tommelein est basée sur l’idée que l’Etat assure les conditions d’existence du détenu et n’a donc pas à lui verser d’allocation additionnelle. D’abord, plusieurs instances affirment que les prisons belges n’assurent pas les conditions fondamentales d’existence (hygiène, nourriture, lit [cfr. surpopulation]…). Ensuite, les détenus paient leur savon, leur dentifrice, la télévision, les contributions alimentaires pour leurs enfants, le loyer souvent pendant toute la période de détention préventive, des arriérés de dette parfois et la réparation des dommages causés à leurs victimes. Il est donc faux d’affirmer que l’Etat prend en charge les conditions de vie des détenus.
Les associations signataires sont favorables à une révision de fond de la protection sociale des détenus. Elles demandent donc qu’une telle mesure soit étudiée au regard de tout le système de protection sociale des détenus et de leurs familles dans une perspective de justice sociale, d’efficacité budgétaire et de réinsertion post-détention.
* Bruxelles Laïque, Centre d'Action Laïque, Concertation assuétudes prisons Bruxelles, Concertation des Associations Actives en Prison, Fédération bruxelloise des Institutions pour détenus et ex-détenus, Ligue des Droits de l’Homme et Observatoire international des prisons