Technologies et droits

La controversée "loi du bâillon" espagnole a trois ans : voici cinq raisons pour lesquelles elle n'aurait jamais dû être adoptée

Trois ans après l'adoption de celle que l'on appelle la "loi du bâillon", Rights International Spain, ONG membre de Liberties, rejoint l'initiative lancée par plusieurs collectifs appelant à abroger immédiatement cette législation liberticide.

by Rights International Spain

Il y a de cela trois ans, le Parlement espagnol approuvait la Loi sur la sécurité nationale. Celle-ci est aussi connue sous le nom de "loi du bâillon" en Espagne, en raison des nombreuses restrictions qu'elle impose pour les droits et libertés, des risques d'abus des autorités, et donc des effets dissuasifs qu'elle produit en créant une grande insécurité juridique.

L'ONG RIS a vivement dénoncé la décision du gouvernement de répondre aux manifestations sociales légitimes en proposant une loi s'attaquant aux droits et libertés des citoyens et protégeant la sécurité des institutions et des autorités. En outre, cette loi ouvre aussi la voie aux expulsions sommaires de migrants des enclaves de Ceuta et Melilla, ce qui constitue une violation flagrante du droit international. Tout cela est amplifié par le fait que la loi ne contient aucune garantie contre le profilage racial, une pratique illégale pourtant généralisée dans le pays.

En ce 17 mars 2018, une grande manifestation se tiendra dans les rues d'Espagne, appelant à l'abrogation du texte. RIS a rejoint ces initiatives avec une vidéo énumérant cinq raisons pour lesquelles cette loi du bâillon n'aurait jamais dû être adoptée. Les voici :

Raison nº 1 : l'absence de communication ne doit pas entraver le droit de manifester pacifiquement

La loi en question permet l'imposition de pénalités financières en cas de manifestation pacifique spontanée, en violation claire des principes des droits humains internationaux. Le texte viole aussi le droit de réunion pacifique établi dans l'Article 21 de la Constitution espagnole. Dans toute démocratie, le droit d'e rassemblement pacifique doit toujours être protégé et promu, même si la manifestation ou rassemblement n'a pas fait l'objet d'une communication préalable auprès des autorités.

Raison nº2 : la loi entrave l'exercice de formes de manifestation totalement pacifiques

RIS s'inquiète du fait que les lieux publics puissent cesser d'arrêter d'être des lieux pour la participation politique. La loi pénalise plusieurs formes de manifestation pacifique, telles que les manifestations devant le Parlement (prévoyant des amendes s'élevant jusqu'à 30000€) ou l'occupation pacifique de bâtiments ou routes publics. Les États ont pourtant le devoir de garantir le respect et l'exercice du droit de rassemblement pacifique.

Raison nº3 : La loi ouvre la voie à l'impunité de la police

La loi prévoit des amendes allant jusqu'à 30000 euros pour l'utilisation "non-autorisée d'images ou de données personnelles ou professionnelles des autorités ou de membres des forces ou institutions de sécurité". En plus de violer le droit à la liberté d'expression, ces dispositions peuvent entraîner l'impunité de la police dans des cas d'usage excessif de la force par la police. Il est important de rappeler que ces images constituent bien souvent la principale source de preuves utilisées dans les procès impliquant des violences policières. Des pénalités sont aussi prévues pour le "non respect et le manque de considération à l'égard des membres des forces de l'ordre", ce qui interdit toute expression d'opinion critique vis-à-vis de la police et des ses actions, quand bien ces dernières sont illégales.

Raison nº4 : la loi "légalise les retours sommaires" de migrants

La loi prévoit aussi un cadre juridique pour les pratiques qui portent atteinte de manière flagrante au droit international, en particulier les expulsions sommaires de personnes migrantes des enclaves de Ceuta et Melilla. Ces pratiques portent atteinte à de nombreux droits humains de personnes qui se voient automatiquement expulsées sans possibilité de présenter une demande de protection internationale ou de dénoncer les mauvais traitements auxquelles elles sont été exposées dans le pays. En outre, ces dispositions constituent une violation du principe de non-refoulement, étant donné que ces personnes risquent d'être exposées à des crimes de torture au Maroc et dans leur pays d'origine.

Raison nº5 : aucune réelle garantie n'a été établie contre les contrôles au faciès menés par la police

La loi ne comprend aucune des mesures recommandées par les institutions internationales pour la protection des droits humains en vue d'éradiquer les contrôles et fouilles de la police basés sur le profilage racial (contrôle au faciès). En effet, bien que la loi établisse une interdiction de façade de la discrimination lors des contrôles policiers, les pratiques de contrôle au faciès persistent et continuent d'être généralisés et ce trois ans après l'approbation de la loi.


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