L'organisation suédoise de défense des droits humains Civil Rights Defenders (CRD), membre du réseau Liberties, a examiné le nouvel accord de coopération politique, connu sous le nom d'"accord Tidö" (Tidöavtalet), et a estimé qu'il contenait des mesures qui portent atteinte aux normes en matière de droits de l'homme. L'accord a été présenté par le parti modéré, les démocrates chrétiens, les libéraux et les démocrates suédois le 14 octobre 2022.
L'examen a été réalisé sous l'angle des droits et met en évidence les parties de l'accord qui ne sont pas conformes aux fortes protections des libertés et des droits en Suède, selon l'évaluation du CRD. L'examen s'est principalement focalisé sur les domaines de la politique pénale, de la politique migratoire et de l'état de droit, les deux premiers constituant une grande partie de l'accord. D'autres domaines pertinents ont également été examinés.
"En tant qu'organisation de défense des droits humains, nous sommes très préoccupés par le contenu de l'accord de Tidö. Il contient une série de mesures qui vont clairement à l'encontre des normes en matière de droits humains que la Suède est tenue de respecter", a affirmé John Stauffer, directeur juridique et directeur exécutif adjoint de Civil Rights Defenders.
Avant les élections de 2022, le CRD a examiné les programmes des différents partis parlementaires sous l'angle des droits humains, et en a fait de même avec l'accord de Tidö.
La perspective choisie pour mener cet examen, fondée sur les droits humains, signifie qu'elle était basée sur les engagements internationaux, régionaux et nationaux en matière de droits humains auxquels la Suède est liée. Citons par exemple la Convention des Nations unies sur les droits civils et politiques, la Convention européenne, la Charte des droits fondamentaux de l'UE et la Constitution suédoise. Ces documents établissent les libertés et les droits fondamentaux des individus et les obligations des États de les respecter et de les protéger.
L'accord contient un grand nombre de mesures, dont beaucoup dépendent d'autres actions. On ne sait pas encore ce que sera la loi ou la nouvelle politique, ni à quoi elle ressemblera si cela devient réalité. Mais les mesures de l'accord vont dans une direction inquiétante et envoient des signaux qui sont graves en soi.
Un accord pour plus de répression et moins de droits en Suède
L'accord est clairement répressif. Il est axé sur les détentions (y compris celles d'enfants et de jeunes), des peines plus sévères, des possibilités accrues de surveiller et d'expulser des personnes, et des mesures qui minent l'état de droit et les droits humains. Il existe des mesures visant à rendre plus difficile le fait d'être un réfugié, un sans-papiers ou un demandeur d'asile, l'objectif global étant de réduire la migration, quelles que soient les conséquences que cela peut avoir sur les droits humains ou la dignité de l'individu. Il y a également une confusion récurrente, ou une équation, entre migration et criminalité, qui désigne les personnes ayant une expérience de la migration comme la cause des problèmes de la Suède.
Les mesures relatives à la politique pénale suivent une tendance que nous observons dans toute l'Europe, souvent appelée "populisme pénal".
Cela signifie que les décideurs politiques se concentrent sur les sanctions pénales, car elles renforcent leur popularité auprès des électeurs, plutôt que sur leurs effets de prévention de la criminalité. La recherche et l'expérience dans d'autres pays ne confirment pas que des peines plus sévères réduisent la criminalité. Conformément aux normes des droits humains, les sanctions pénales doivent être proportionnées.
La CRD note également que plusieurs de ces mesures iraient directement à l'encontre des obligations et conventions internationales et régionales auxquelles la Suède s'est engagée, et inscrites dans sa propre Constitution.
L'accord fragilise les principes mêmes de l'état de droit
Si les mesures proposées par l'accord deviennent réalité, nous aurons une société qui ne reposera plus sur le principe fondamental de l'état de droit, à savoir l'égalité de toutes devant la loi. Les droits ne seront pas fondés sur les besoins des personnes mais sur leur appartenance à un groupe et leur statut juridique. Cela crée une hiérarchie entre les personnes en Suède, les personnes ayant la citoyenneté au sommet et les groupes vulnérables et les personnes racisées au bas de l'échelle.
En fin de compte, cela n'affecte pas seulement ces groupes mais a également un impact négatif sur la société dans son ensemble et sur tous nos droits. Cela portera atteinte aux droits humains, à l'état de droit et à la démocratie libérale pour nous toutes.
L'accord Tidö montre que la tendance mondiale de démantèlement de la démocratie est arrivée en Suède. Civil Rights Defenders travaille pour les droits humains dans le monde entier depuis 40 ans, et ces expériences lui sont maintenant utiles lorsqu'elle doit se concentrer davantage sur la défense des libertés et des droits fondamentaux dans son propre pays.