L'agent de police Francesco Tedesco a avoué avoir battu Stefano Cucchi (plus d'informations dans notre précédent article sur cette affaire), et a également impliqué ses collègues de l'époque Raffaele D'Alessandro et Alessio Di Bernardo, lesquels auraient donc participé aux mauvais traitements. Les coups auraient été donnés au Commissariat de police de Roma Casilina. "Il s'agit d'une action combinée. Cucchi et Di Bernardo ont commencé à se disputer et s'insulter, après quoi le policier a violemment frappé le détenu au visage. Puis D'Alessandro a donné un coup de pied violent au niveau du bas du dos de Cucchi. Ce dernier a, suite à ce coup de pied, perdu l'équilibre, et été poussé dans la direction opposée par Di Bernardo, avant de tomber violemment sur son bassin. Le jeune homme s'est aussi cogné la tête très violemment. "Je me souviens d'avoir entendu du bruit", explique Tedesco. "Je me suis levé et j'ai dit : "arrêtez, arrêtez, qu'est-ce que vous foutez putain! Vous avisez pas de faire ça!" ,poursuit-il dans sa déclaration. "Mais Di Bernardo a continué ce qu'il faisait et poussé Cucchi, le faisant tombé par terre. J'ai repoussé Di Bernardo, mais avant de pouvoir intervenir, D'Alessandro a frappé du pied Cucchi en plein visage alors qu'il était à terre."
Après le passage à tabac, le jeune géomètre est resté silencieux au sol, visiblement en état de choque. "Je me suis approché de Stefano, je l'ai aidé à se relever et lui ai demandé comment il allait. Il m'a répondu "ça va, je suis un boxeur". Mais on pouvait voir qu'il était abasourdi", a indiqué Tedesco, lors de son interrogatoire de juillet. Le policier rappelle qu'il n'avait pas confiance en Bernardo et D'Alessandro, et leur avait demandé de rester éloigné du jeune détenu. Il a ensuite appelé son supérieur, Marshal Mandolini, et lui a raconté ce qu'il s'était passé.
"Sur le chemin du retour, Cucchi et moi étions assis derrière dans la voiture", poursuit l'agent. "La situation ne me paraissait plus aussi tendue. Cucchi ne disait rien, et je me suis rendu compte qu'il était très fatigué et en état de choque : il avait recouvert sa tête de sa capuche, la gardait baissé et ne disait pas un seul mot".
Il n'est pas encore clair, pour l'heure, de savoir si au cours des interrogatoires devant le procureur, Tedesco avait avoué avoir participé aux violences avec ses deux collègues, mais il était certain que, pour la première fois, l'un des prévenus dans cette affaire a déclaré que ce qui avait été reconstruit par le bureau du procureur, en commençant par les coups donnés au jeune homme, s'est bel et bien produit.
"Ils m'on demandé de mentir, j'avais peur des représailles"
"Avant mon audition auprès du procureur, Marshal Mandolini ne m'a pas explicitement menacé mais il agit d'une façon qui ne m'a pas mis à l'aise. J'ai compris que je ne pouvais pas dire la vérité et je lui demandé ce que je devrais dire au procureur, aussi parce que c'était la première fois que j'allais être auditionné par un procureur, et il m'a dit : "tu dois lui dire qu'il allait bien, tu me comprends, qu'il allait bien, qu'il ne s'est rien passé... tu me comprends? Après je m'occupe du reste, ne t'inquiète pas.", rapporte le policier. "Au départ, j'avais très peur pour ma carrière", poursuit-il. "Je craignais les représailles et je me suis tu pendant des années, puis j'ai été suspendu et je me suis rendu compte que le mur s'effondrait et que plusieurs collègues avaient commencé à dire la vérité.".
Une note de service capitale perdue...
Le procureur Giovanni Musarò avait annoncé lors d'une autre enquête, menée après que Francesco Tedesco a évalué les faits de cette nuit dans une plainte, et avait "associé" deux des prévenus aux violences perpétrées. En réalité, un note de service avait été trouvée dans laquelle Tedesco avait signalé les faits, mais cette note aurait ensuite disparu.
Alessio Di Bernardo, Raffaele D'Alessandro et Francesco Tedesco lui-même, sont tous trois en procès, accusés d'homicide involontaire et abus de pouvoir. Roberto Mandolini est quant à lui accusé de calomnie et de fabrication et usage de faux. Vincenzo Nicolardi est aussi accusé de calomnie.
Le procureur a indiqué que, le 20 juin 2018, Tedesco avait porté plainte contre X. Dans sa plainte, il indiquait avoir rédigé un rapport après avoir appris la mort du géomètre. En s'appuyant sur ce matériel, le Procureur a indiqué qu'une affaire contre X avait été ouverte, dans laquelle Tedesco en personne avait fait trois déclarations.
Ilaria Cucchi: "le mur s'est effondré"
"Le mur s'est effondré", a écrit la soeur de la victime sur sa page Facebook. "Le mur est tombé. Désormais nous savons la vérité et beaucoup de gens vont devoir présenter leurs excuses à Stefano et à la famille Cucchi", poursuit-elle. "Cela a pris neuf ans mais enfin aujourd'hui la vérité que nous avions toujours avancée a été révélée dans un tribunal et par les mots d'un des accusés en personne, qui a donné le récit du meurtre de Stefano et de tout ce qu'il s'est passé les jours suivants."
"Fransesco, vous avez retrouvé votre dignité"
Riccardo Casamassim a également exprimé sa satisfaction. L'officier de la Carabinieri (équivalent de la Gendarmerie), qui, avec son témoignage, a réouvert l'enquête sur la mort de Stefano Cucchi parle d'une "immense satisfaction, à laquelle la famille Cucchi avait droit. Quand j'ai appris la nouvelle, ça m'a donné des frissons. Tous les doutes ont été levés." Le policier avait dit ce que certains de ses collègues avait signalé concernant l' "anéantissement" de la victime après son arrestation. Riccardo Casamassim avait été menacé puis transféré, en raison de ses déclarations. "Pour avoir rempli mon devoir, en tant qu'homme et agent de police, pour avoir témoigné dans le procès de l'affaire Cucchi, qui était mort suite aux violences de mes collègues, j'ai beaucoup souffert des conséquences. Jusqu'au tournant annoncé aujourd'hui."