Lanceur·euse d'alerte : définition
Les lanceurs·euses d'alerte sont des personnes qui révèlent des informations sur des activités qu'elles considèrent comme illégales ou gravement contraires à l'éthique. Elles travaillent souvent au sein d'entreprises privées ou d'agences gouvernementales et dénoncent des comportements observés sur leur propre lieu de travail, bien que ce ne soit pas toujours le cas. Selon la définition de l'Union européenne, les lanceurs d'alerte ne doivent pas nécessairement travailler pour l'organisation qu'ils dénoncent. Ils peuvent simplement être « en contact avec une telle organisation » afin de bénéficier de la protection juridique prévue par la directive européenne de 2019 sur la protection des lanceurs d'alerte.
.Qui est considéré comme un lancement d’alerte et qui ne l'est pas ?
Le plus souvent, un informateur attire l'attention sur la fraude, le cas de corruption, l'utilisation abusive de données personnelles ou publiques, la mauvaise gestion des fonds ou d'autres actions ou politiques représentant une menace pour l'intérêt général ou la sécurité nationale. Il n'est pas nécessaire qu'un lanceur d'alerte connaisse les lois spécifiques qu'il estime être violées, et l'UE note que les violations peuvent être "classées en vertu du droit national en tant que violations administratives, pénales ou autres". Elle énumère également les types de rapports qui sont considérés comme des lancements d’alerte au titre de sa directive :
-Marchés publics
-Services financiers, lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme
-Sécurité des produits
-Sécurité des transports
-Protection de l'environnement
-Sécurité nucléaire
-Santé publique
Sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, santé et bien-être des animaux
-Protection des consommateurs
-Protection de la vie privée et des données personnelles, et sécurité des réseaux et des systèmes d'information.
La liste indique clairement que le signalement doit concerner des activités qui menacent ou portent atteinte à l’intérêt général / au bien public d'une façon ou d'une autre. Les griefs personnels, les désaccords ou les problèmes similaires sur le lieu de travail ne sont pas des questions qui touchent le grand public, la sécurité nationale ou d'autres domaines où la protection des lanceurseuses d’alerte entre en jeu. Aussi, le fait de signaler que vous êtes victime d'intimidation ou de harcèlement au travail, bien que grave, n'entre-t-il pas dans le cadre du « lancement d’alerte » ou signalement tel que définie par la loi.
Les lanceurs·euses d'alerte sont-ils protégé·e·s par la loi ?
Le plus souvent, oui. Mais les protections juridiques des lanceurs d'alerte varient considérablement d'un pays à l'autre, même au sein de l'UE. L'UE a certes adopté une législation protégeant les personnes qui signalent des abus, mais sous la forme d'une directive et non d'un règlement. Cela signifie qu'elle offre une protection juridique complète en ce qui concerne le droit communautaire et que les États membres doivent mettre leur législation nationale en conformité avec les objectifs de la directive (dans les deux ans suivant son adoption). Toutefois, contrairement à un règlement, les États membres ne sont pas tenus de transposer les directives dans leur intégralité dans leur droit national.
De nombreux pays de l'UE tardent malheureusement à protéger les lanceurs d'alerte. Un rapport publié en 2021 par Transparency International a révélé qu'à la date limite de transposition de la directive européenne relative à la protection des lanceurs d'alerte - en décembre 2021 (soit deux ans après son adoption par l'UE) de nombreux pays n'avaient accompli que des « progrès minimes voire nuls » dans l'adaptation de leur législation nationale. En outre, seuls quatre pays avaient entièrement mis leur législation nationale en conformité avec la directive.
Le manque de volonté évident des États membres ne fait que souligner la nécessité d'une législation forte sur les lanceurs d'alerte au niveau européen. Liberties a longtemps plaidé en faveur d'une législation européenne forte en matière de protection des lanceurs d'alerte avant l'adoption de la directive, et la Commission elle-même a pris soin de noter les progrès des États membres en la matière dans son rapport 2021 sur l'état de droit. Liberties garde l'espoir que la Commission augmentera la pression sur les États membres qui continuent à reporter la mise en place d'une législation sur les lanceurs d'alerte.
Quelques lanceurs·euses d’alerte célèbres
Edward Snowden est sans doute le plus célèbre des lanceurs d'alerte actuels. Alors qu'il travaillait pour l'Agence nationale de la sécurité des États-Unis (National Security Agency, NSA), Edward Snowden a divulgué des documents confidentiels qui ont révélé l'existence de vastes programmes de surveillance menés par la NSA et d'autres agences de renseignement en coopération avec des gouvernements européens. Ces fuites ont déclenché un débat mondial sur la surveillance gouvernementale et le droit au respect de la vie privée. M. Snowden a quitté les États-Unis avant de divulguer les documents et, mis en examen dans son pays, il a fini par s'installer en Russie.
Dans l'UE, les actions du lanceur d'alerte Antoine Deltour ont conduit au scandale LuxLeaks en 2014. Deltour, qui était alors employé de PriceWaterhouseCoopers au Luxembourg, a fait fuiter les accords fiscaux de plus de trois cents multinationales basées au Luxembourg. Les documents révélaient que les entreprises minimisaient leurs impôts en se jouant des lois fiscales des pays de l'UE. Deltour a finalement été condamné pour vol et autres délits liés aux fuites, bien que sa condamnation ait été annulée en appel.
Chelsea Manning est une autre lanceuse d'alerte récente dont les actions ont attiré l'attention du monde entier. En 2010, alors qu'elle était soldate de l'armée américaine, elle a divulgué quelque 750 000 documents confidentiels ou sensibles à WikiLeaks, notamment des câbles diplomatiques et des preuves de violations des droits de l'homme en Irak et ailleurs. Elle a été condamnée à 35 ans de prison pour vol de biens publics et violation de la loi sur l'espionnage, mais sa peine a ensuite été commuée par le président Barack Obama.
Vous souhaitez signaler un cas de fraude, d'abus ou de corruption ? Que faire et comment le faire ?
L'une des principales motivations de la protection juridique accordée aux dénonciateurs est d'encourager les autres à se manifester et à révéler des activités illégales ou dangereuses. Néanmoins, même lorsqu'une personne bénéficie d'une telle protection, le processus de signalement peut ne pas être aussi clair. Certains gouvernements et entreprises offrent des conseils sur la divulgation d'informations, mais la plupart ne le font pas. Bien que chaque cas soit unique, voici un guide général sur le lancement d’alerte.
Vers qui se tourner en cas de doutes ?
La première étape consiste à prendre pleinement connaissance des politiques de votre organisation en matière de signalement des dysfonctionnements. Il se peut qu'elle dispose d'un mécanisme de signalement interne, éventuellement anonyme, permettant de réparer l'acte répréhensible sans avoir à faire appel à des entités extérieures. Edward Snowden insiste sur le fait qu'il a d'abord essayé de garder ses préoccupations au sein du gouvernement américain, et qu'il ne s'est adressé à la presse qu'après avoir été ignoré de ses supérieurs.
Si la résolution en interne vous semble impossible, vous devrez communiquer vos informations à un tiers. Si vous travaillez pour une entreprise privée, vous pouvez porter votre affaire devant les services de police, et certains gouvernements ont même créé des bureaux dédiés au signalement de la corruption et des activités illégales. Cette démarche peut souvent être effectuée de manière anonyme. Une autre option consiste à s'adresser à la presse ou à une organisation non gouvernementale. Les journalistes peuvent divulguer l'histoire au public tout en gardant leur source (vous) anonyme.
Que faire avant de divulguer une affaire ?
Votre première démarche doit consister à réunir les preuves de votre allégation. Il ne suffira pas d'affirmer qu'un acte répréhensible a été commis ; des notes internes, des e-mails, des documents fiscaux et d'autres pièces sont souvent rassemblés par les lanceurs d'alerte comme preuves de l'allégation qu'ils entendent formuler.
Comment pouvez-vous signaler votre problème ?
De nombreux pays ont mis en place des bureaux offrant plusieurs possibilités de signalement, notamment par courrier traditionnel, e-mail, fax, téléphone et même en personne. Votre entreprise dispose peut-être d'un bureau similaire qui permet aux employés de signaler des actes répréhensibles.
Les lanceurs d'alerte adressent souvent leurs plaintes aux journalistes. Cela peut les aider à rester anonymes, car les bons journalistes préservent l'anonymat de leurs sources, s'ils le souhaitent. Cela peut également contribuer à attirer l'attention du public sur le problème et à faire pression sur les autorités pour qu'elles agissent si l'acte répréhensible est évident. Enfin, si vous pensez avoir la preuve d'un délit, vous pouvez également le signaler à la police.
Pouvez-vous faire un signalement de manière anonyme ou confidentielle ?
Dans la plupart des cas, les lanceurs d'alerte peuvent faire leur signalement de manière anonyme. C'est important pour assurer leur protection et montrer aux autres lanceurs d'alerte potentiels que les autorités sont intéressées par les informations, et non par la personne qui les divulgue. Malheureusement, l'identité d'un lanceur d'alerte peut être révélée par d'autres parties - un ancien collègue mécontent, par exemple - dans certains cas, mais généralement, vous devriez être en mesure de présenter une allégation de manière anonyme. [Newsletter title={L'accès à l'information est essentiel pour mettre fin aux actes répréhensibles. Abonnez-vous!}]
Que se passera-t-il après avoir signaler un abus ?
Parmi les cas de signalement les plus célèbres, nombreux se sont soldés par des poursuites judiciaires à l'encontre du lanceur d'alerte, ou par des révélations qui l'ont contraint à s'enfuir dans un autre pays ou à se retirer de la vie publique. Et il n'est pas certain que, malgré la protection juridique, le lanceur d'alerte ne subira pas de représailles, comme une rétrogradation ou même un licenciement.
Il faut espérer que tous les pays de l'UE adopteront bientôt de solides protections pour les lanceurs d'alerte et les feront respecter, afin que ces préoccupations ne soient plus qu'un mauvais souvenir. Après tout, les actions des lanceurs d'alerte ne font qu'aider les sociétés à devenir plus sûres et plus fortes, et les gens à avoir davantage confiance les uns dans les autres et dans leurs gouvernements.
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