Pour faire simple, nous avons sans doute deux raisons différentes de vouloir vivre en démocratie. Tout d'abord, nous voulons la démocratie parce que l'on croit qu'elle est bonne et peut nous permettre d'atteindre quelque chose que nous voulons atteindre. Comme une société relativement riche. C'est ce qu'on appelle les justifications instrumentales de la démocratie. Ensuite, peut-être voulons vivre en démocratie car ce système est désirable d'un point de vue moral, indépendamment des buts que nous voulons atteindre. C'est comme lorsque l'on achète un beau tableau : on ne fait pas uniquement parce qu'il va permettre d'améliorer l'harmonie des couleurs du mur du salon, mais parce qu'il y a une idée génial derrière ce travail ou parce que l'artiste a un regard incroyable pour dépeindre les émotions humaines. Il s'agit ici des justifications intrinsèques de la démocratie.
Dans cet article, nous présenterons quelques justifications instrumentales possibles. Nous ne vous dirons pas la quelle (s'il y en a une) vous devez adopter. Mais votre avis nous intéresse.
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Certaines personnes soutiennent la démocratie en argumentant que les communautés politiques démocratiques offrent aux individus une bonne opportunité de développer une meilleure personnalité. La démocratie est bonne pour nous, car les individus qui vivent en démocratie tendent à être plus autonomes, car cela les encourage à penser en termes de bien commun, et parce participer à un processus décisionnel collectif force les individus à apprécier les différences d'intérêts et d'opinions. De ce point de vue-là, les individus qui vivent dans des régimes autocratiques ont moins de chance : ils ont beaucoup moins d'opportunités en vue de développer leur personnalité.
D'autres soutiennent la démocratie en argumentant qu'il s'agit de la meilleur méthode en matière de prise de décision car la démocratie aide les individus à prendre les bonnes décisions. Même quand, individuellement, nous sommes stupides, nous pouvons collectivement être intelligents. Ça vous paraît bizarre ? Ça l'est. Mais l'idée n'est pas totalement folle.
Imaginez : tard dans la nuit, au milieu de la forêt, vous devez décider de tourner à gauche ou à droite pour vous rendre dans la cabane où vous devrez dormir. Vous avez 51% de chances de trouver la bonne réponse et le bon chemin... Vous aviez regardé rapidement la carte avant de vous embarquer dans cette aventure, mais trop rapidement, et vous n'êtes pas un dieu de l'orientation. La même règle s'applique pour un groupe de randonnée. Si parmi vous, une personne se voit confier la décision de choisir la direction à prendre, dans 49% des cas vous finirez par partager votre nuit de refuge avec les ours. Cependant, si la décision se prend au moyen d'un vote, vous augmentez grandement vos chances de prendre le bon chemin. Quand le groupe est assez large (10 000 membres, oui je sais c'est un peu beaucoup pour une randonnée), même si individuellement vous avez 51% de chances de prendre la bonne route, le choix décidé par le vote aura 99,99% de chances d'être le bon ! Et non, on ne rigole pas, voyez plutôt par vous-même.
Bien entendu, les décisions auxquelles les sociétés sont confrontées sont en général bien plus complexes que la route à prendre lors d'une randonnée. Pour de nombreuses question, on a peut-être même moins de 50% de chances d'avoir juste. Dans la plupart des cas, il y a bien plus que deux seuls choix à faire. Et, de fait, les problèmes auxquels nous faisons face en tant que société n'ont pas une seule "bonne solution", mais de nombreuses solutions qui contiennent des risques et bénéfices différents pour les différents segments de la société. Cependant, certains avancent que, en dépit des difficultés, les démocraties ont de meilleurs chances de produire des lois qui soient justes, et ce plus que les autres formes de gouvernance.
Et d'autres encore défendent le modèle démocratique en raison du bien-être matériel qu'elle semble assurer à tou.t.e.s. Par exemple, Amartya Sen, prix Nobel d'économie et philosophe, a fait remarquer qu'aucune famine importante ne s'est produite "dans aucun pays démocratique disposant d'une presse relativement libre". Et cela, parce qu'en démocratie, il est dans l'intérêt de l'élite politique de prendre en compte les intérêts et besoins de la majorité des individus composant la société.
La démocratie peut être un bon moyen de parvenir à certaines fins. Mais se réduit-elle à cela ? Et si les démocraties étaient aussi de "bonne choses" en elles-mêmes ? Si vous voulez lire au sujet des justifications intrinsèques de la démocratie, revenez dans une semaine et découvrez le prochain article de notre série.