Selon la Ligue des droits de l'homme (LDH), le règlement intérieur des écoles de Forest porte atteinte aux droits fondamentaux.
Le 5 juillet dernier, le Conseil communal de Forest adoptait un nouveau règlement d’ordre intérieur pour les écoles de son réseau. Applicable dès cette rentrée scolaire, ce règlement porte atteinte à plusieurs droits dont l’émoussement sans cesse croissant inquiète déjà deux associations de défense des droits fondamentaux.
Des obstacles au droit à l'éducation
Avec deux parents, la Ligue des droits de l’Homme et le Service Droits des Jeunes de Bruxelles ont sollicité auprès du Conseil d’État la suspension et l’annulation de ce texte.
Alors qu’ils ne représentaient pas 10% des dossiers individuels traités en 2012, le contentieux scolaire concerne aujourd’hui plus d’un tiers des suivis qu’assurent les membres de l’équipe du Service Droits des jeunes de Bruxelles. Cette statistique suffit à elle seule à tirer la sonnette d’alarme : de plus en plus, le droit à l’éducation rencontre, insidieusement, autant dans les règlements locaux qu’à l’issue des conseils de classe, des obstacles qui risquent bien de le rendre non plus effectif mais simplement programmatique. Le règlement adopté par la commune de Forest est emblématique de cette dérive.
Un règlement qui favorise l'exclusion
En effet, d’une part, il multiplie les comportements qualifiés de problématiques et à ce titre passibles de sanctions, d’autre part, les sanctions qu’il prévoit sont inadéquates, disproportionnées et génératrices d’exclusion scolaire.
Ce faisant, ce texte porte atteinte à une série de normes lui étant juridiquement supérieures, contenues autant dans différentes conventions internationales (celle du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant au premier chef), la Constitution (son article 22bis relatif aux droits de l’enfant) ou différents décrets de la Communauté française (ceux de 1997 sur les missions de l’enseignement et de 2013 favorisant le bien-être des jeunes à l’école).
Le recours déposé auprès du Conseil d’État a pour objectif de rappeler au pouvoir organisateur que s’il entend imposer des devoirs aux enfants, cela ne peut se faire que dans le respect de leurs droits.
Privé de repas chaud
Le premier principe auquel ce règlement porte atteinte est celui de la gratuité de l’enseignement fondamental. Le texte prévoit ainsi et sans en préciser exactement la nature, encore moins le montant, que divers frais seront portés au compte des parents et que ceux-ci concerneront des activités obligatoires. À défaut de paiement, l’enfant pourra se voir supprimer ses repas chauds et exclure du service de garderie. Ce type de sanction est également prévu en cas d’arrivée tardive à l’école.
Rappelons que les enfants ici concernés relèvent essentiellement de l’enseignement maternelle et primaire, ils sont donc âgés de deux ans et demi à, en principe, douze ans. En d’autres termes, devant ses camarades, un enfant pourra être privé de repas, tenu à l’écart et obligé d’attendre seul qu’on vienne le chercher parce que ses parents l’ont déposé en retard ou ont oublié de payer tantôt l’entrée pour la piscine, tantôt le bus pour l’excursion.
Ce n’est pas tout : en cas de retard répété, l’enfant sera purement et simplement privé d’enseignement : il n’entrera pas à l’école. C’est ici à la substance même du droit à l’enseignement que s’attaque un texte devant, à l’inverse, le mettre en œuvre. Ajoutons que le texte offre une interprétation extrêmement stricte des motifs pouvant justifier une absence, motifs pourtant prévus par décret, tout en multipliant les définitions vagues – ainsi, le « comportement portant atteinte à l’image du pouvoir organisateur ».
La sanction comme seul horizon pédagogique?
Enfin, à l’instar des conditions houleuses dans lesquelles il fut adopté, ce règlement n’envisage pas d’espace de discussion, de négociation ou de résolution d’une difficulté. La sanction semble ici le seul horizon pédagogique, le ciment exclusif de la relation école-parent-enfant.
Au final, c’est un nombre inévitablement important de litiges, de sanctions, d’exclusions et donc de recours qui se profile si un tel texte devait s’appliquer. Et c’est en vue de les éviter que deux parents d’une élève concernée ont saisi le Conseil d’État pour que celui-ci suspende et annule ce règlement.
En soutenant cette requête, nos deux associations qui ont pour objet social la défense des droits fondamentaux entendent montrer qu’elles resteront vigilantes à l’égard de toute initiative réglementaire qu’elles estimeront contraire aux engagements internationaux et constitutionnels relatifs au droit à l’enseignement et aux droits de l’enfant.