Chaque mardi depuis plus de deux mois, nous publions une vidéo afin d'expliquer comment survivre face à l'autoritarisme, accompagné d'un article connexe. Nous avons expliqué les méthodes avec les quelles les autoritaristes génèrent un sentiment de peur et de danger constant, comment ils limitent vos droits "pour protéger la société", comment ils vous font croire qu'ils restent malgré tout des démocrates (les vrais démocrates selon eux!), comment ils diffusent leurs mensonges pour rester au pouvoir. Nous avons aussi écrit des articles expliquant comment vérifier la véracité des informations et leur fiabilité, et comment nous pouvons, en tant que société, nous assurer que le peuple ait un réel accès aux informations fiables.
Cette semaine, la dernier semaine de notre série et de notre Guide face à l'autoritarisme, nous allons vous parler ce qu'il se passe lorsque les autoritaristes en place en Europe ont déjà limité vos libertés, transformé les médias en propagande et pris le contrôle du système judiciaire (après quoi ils ne sentent toujours pas en sécurité).
Ils ne remplacent pas officiellement la démocratie en dictature. Et il se peut que dans un futur probable ils n'aient même pas besoin de le faire. Une telle manoeuvre serait tout bonnement trop risquée et pourrait révolter de nombreux citoyen.ne.s, et déranger fortement l'UE. Et une UE fortement contrariée, ça n'a rien de bon pour le budget d'un pays membre.
Par conséquent, nos dirigeants autoritaires continuent de tenir des élections régulières où les partis de l'opposition continuent d'avoir une place. Mais ils font tout afin de s'assurer que personne n'ait de chances de gagner.
Comment ? Tricher est une bonne option, c'est sûr, mais les autoritaristes européens préfèrent généralement des méthodes plus subtiles, des solutions qui, apparence, sont au moins à moitié légitimes. Cela nécessite de redessiner les cartes électorales (les circonscriptions) à leur guise et en fonction de leurs besoins, notamment. Pourquoi ? Parce qu'en se débrouillant bien, ils réussissent à assurer une majorité au Parlement, même lorsque votre opposition recueille plus de voix aux élections, comme le montre le graphisme ci-dessous :
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(Source)
Le parti hongrois Fidesz, selon les experts, semble déjà avoir procédé ainsi il y a quelques années. Mais ils se sont arrêtés là. Ils ont aussi réduit le niveau de proportionnalité du système (pour que l'opposition n'ait aucune compensation pour les votes qu'ils ont "perdus" dans le système de circonscriptions uninominales, judicieusement redessiné. Ils ont introduit des règles qui compliquent sérieusement la coopération entre les partis de l'opposition. Et l'application des règles qui seraient en principe avantageuses pour les partis de l'opposition, a été rendue bien difficile. Dans le même temps, ils ont fait en sorte que les règles pouvant poser problème à leurs adversaires soient appliquées de manière très stricte. Et par conséquent, bien que les élections de 2014 et 2018 étaient livres, elles étaient loin d'être justes.
Les autres autoritaristes de la région sont un peu en retard à ce niveau-là, mais nul ne doute qu'ils suivront le pas. Le parti polonais PiS suit déjà les traces du parti hongrois Fidesz. En 2017, ils ont mené une grande refonte du code électoral. À partir de 2019, la Commission électorale nationale, l'organe en charge de superviser tout ce qui est lié aux élections, ne sera plus désormais constituée de juges. Au lieu de cela, la majorité des membres sera nommée par le Parlement, largement dominé par le parti PiS. En outre, suite aux prochaines élections parlementaires, ils disposeront de tous les pouvoirs nécessaires en vue de redessiner la carte électorale et les circonscriptions.
Si vous voulez empêcher votre pays et la démocratie de s'effondrer à leur tour, votez pour ces élections européennes. Le Parlement européen ne peut pas empêcher les États membres de l'UE de prendre le virage autoritaire. Mais si vous votez pour les forces progressistes et que ces dernières gagnent lors des prochaines élections, le Parlement peut faire en sorte que ce virage autoritaire soit très difficile à prendre. En rendant les fonds européens accessibles sur des critères précis, tels que le respect des valeurs fondamentales et démocratiques de l'UE, par exemple.
PS : bien que notre série sur l'autoritarisme arrive à son terme, dans quelques semaines nous commencerons une nouvelle série sur la démocratie et les élections européennes. Et nous ferons bientôt une interview de notre autoritariste préféré, l'interrogeant sur ses projets à court terme. Ne manquez pas nos prochains articles sur le sujet !