Ce que nous lisons, écoutons et partageons au quotidien, que ce soit à travers le journal le matin ou via une conversation avec nos amis, forme une part très importante de la démocratie. Avoir accès à de bonnes informations sur notre société et avoir des discussions libres et ouvertes sur l’état des choses et les changements que l’on devrait mener, constitue un dialogue qui nourrit une démocratie en bonne santé. Et pour cela, il faut en premier lieu avoir une presse qui est libre.
La liberté de la presse, c’est quoi ?
Quand on dit qu’un pays a une presse libre, on considère que ses médias et autres formes de publications, ainsi que ses citoyens, ont le droit de communiquer des informations sans être influencé ou contrôlé par l’État ou d’autres formes de pouvoir et sans craindre des représailles de la part de ces derniers. Nous parlons souvent de « presse libre » ou « journalisme indépendant », un sujet que nous avons récemment exploré. Ces deux termes sont plus ou moins interchangeables.
Dans l’histoire moderne, les Nations unions ont établi une définition du principe de presse libre en 1948. L’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme le codifie avec le droit à liberté d’expression et d’opinion :
« Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit »
Aujourd’hui, la plupart des démocraties protègent la liberté de la presse, à travers le droit constitutionnel ou individuel. En Europe, la liberté de la presse est protégée par l’Article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, et par l’Article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE.
L’objectif de la liberté de la presse est de garantir que les citoyens puissent librement recevoir et partager des informations qui ne font pas l’objet de manipulations et qui ne servent pas les intérêts de particuliers, d’entités ou groupes d’intérêts. Le rôle d’une presse libre est aussi d’enquêter sur les figures du pouvoir et notamment le gouvernement. Elle doit poser les questions sensibles et tenter de révéler les faits, indépendamment des conséquences sur le plan politique.
Pourquoi la liberté de la presse est-elle si importante ?
Sans la liberté de la presse, la démocratie ne peut pas vraiment fonctionner. Car la force d’une démocratie réside dans les mains de son peuple, et que les citoyens doivent être bien informés en vue de prendre les bonnes décisions, notamment lors des élections, et d’avoir une idée précise de qu’implique ces décisions.
La liberté de la presse est essentielle à chaque étape de ce processus démocratique. La presse diffuse des informations auprès des électeurs avant le vote. Elle encourage le dialogue et le débat afin d’enrichir la compréhension de ces informations. Elle couvre également les activités et actions du gouvernement et amène les responsables politiques à rendre des comptes. En démocratie, les citoyens délèguent le pouvoir de prise de décisions à leurs élus, et une presse libre constitue un des moyens permettant de contrôler ces derniers.
Quel est (ou devrait être) le rôle de la liberté de la presse dans une démocratie ?
La liberté de la presse est un organe vital de la société démocratique. Pour que nous prenions des décisions éclairées au moment de choisir nos représentants ou voter sur certaines questions, nous devons être bien informés de l’actualité. Une presse libre peut nous donner une version fiable des sujets traités, sur des questions de politique notamment, car elle n’est pas sous l’influence du pouvoir, quel qu’il soit.
La presse joue aussi un rôle de garde-fou. Elle n’est pas redevable envers quoi que ce soit, ni ne craint des représailles des puissants. Elle se doit de décrire sans fard l’actualité, notamment l’actualité politique. Les affaires corruption, de copinage et détournements de fonds sont révélées grâce à une société qui protège la liberté et l’indépendance de la presse.
Bien entendu, nous souhaitons discuter de tout cela, et une presse libre nous aide en ce sens. Elle nous offre davantage d’opportunités d’entendre d’autres points de vue ou de nouvelles informations, et nous offre à tous l’occasion de partager nos propres opinions aux autres. Plus nous échangeons, mieux nous sommes informés et plus nous prenons des décisions éclairées.
La liberté de la presse est-elle juridiquement limitée dans le monde ?
Même dans les pays où la liberté de la presse est traditionnellement forte et où le marché médiatique est diversifié, il existe des limites à liberté d’expression. Par exemple, les journalistes ne peuvent couvrir librement des sujets risquant de compromettre la sécurité nationale. Ils ne peuvent pas non plus révéler des secrets d’État.
Mais il faut aussi analyser les limites infondées dont souffre la presse. La liberté de la presse est restreinte dans de nombreux pays. La Corée du Nord ne dispose pas d’une presse libre et ne cherche même pas à prétendre le contraire. La Hongrie prétend en avoir une et a l’obligation légale de la protéger, mais dans le faits, les médias indépendants du pays se comptent sur les doigts de la main.
Comme mentionné plus haut, le droit européen oblige les États membre de l’UE à protéger la presse. Et nombre d’entre eux le font, et soutiennent des environnements médiatiques diversifiés et solides, constituant des modèles pour de nombreux autres pays dans le monde. La Hongrie ne fait pas partie de ces pays, et force est de constater qu’elle n’est pas le seul État membre de l’UE à bafouer ce droit fondamental.
En Pologne, une entreprise pétrolière publique a racheté l’an passé l’un des plus grands groupes médiatiques du pays, Polska Press. Avec une audience de 17 millions de personnes, sachant que la Pologne compte 38 millions d’habitants, l’État est à présent en mesure de contrôler massivement les informations que consomment près de la moitié du pays. De plus, un prêtre très proche du gouvernement possède un autre des plus grands groupes de presse du pays, ce qui étend d’autant plus la portée et l’influence du pouvoir.
En République Tchèque, le premier ministre Andrej Babis possède une très grande part des médias du pays. Un rapport de Foreign Policy datant de 2015 explique que ce dernier utilise les médias pour que ces derniers couvrent l’actualité qui le concerne de manière positive et qu’ils soient critiques à l’égard de ses opposants. En Slovénie, le gouvernement affaiblit activement la presse libre. Un récent rapport conduit par Media Freedom Rapid Response (MFRR) conclut que « la liberté de la presse n’a cessé de se dégrader depuis que le premier ministre Janez Jansa a repris le pouvoir en mars 2020 ».
Mais la détérioration de la liberté de la presse est en train de devenir un phénomène mondial. Le rapport de Reporters sans frontières 2021 sur la liberté de la presse dans le monde montre que ce droit est en recul presque partout. Il semblerait, et cela est inquiétant, que ce déclin est en partie lié à la pandémie de Covid-19, car environ 75% des pays ont, dans une certaine mesure, restreint la liberté de la presse pendant la pandémie.
Pourquoi assiste-t-on à un déclin de la liberté de la presse
La liberté de la presse est menacée ou sur le déclin précisément parce qu’elle vitale pour la démocratie. Les gouvernements aux tendances autoritaires veulent limiter tous les contre-pouvoirs. Le fait qu’ils sont très souvent corrompus et incompétents et que cela soit démontré et révélé aux citoyens fragiliserait grandement leur mainmise sur le pouvoir. Mais la liberté de la presse est bafouée, quand le flux d’informations est contrôlé par le pouvoir et l’oligarchie, alors les citoyens reçoivent une version déformée et erronée de l’actualité.
La liberté de la presse est aussi sur le déclin car le paysage médiatique a fortement changé. Facebook, Google et d’autres entreprises de la « Big Tech » dominent tellement le marché qu’il est devenu très difficile pour de plus petites entreprises et pour des médias indépendants et autres publications de rivaliser. Ces plateformes agrègent et indexent les contenus et les partage avec leurs utilisateurs, sans que pratiquement aucun revenu ne soit reversé à la source, c’est-à-dire au média qui a publié l’information. Ce régime doit changer si nous voulons protéger le pluralisme et la diversité de notre paysage médiatique et garantir la liberté de la presse.
Que pouvons-nous mettre en œuvre pour garantir une plus grande liberté de la presse ?
Si nous avons la chance de vivre dans un pays où la presse est libre, nous devrions la soutenir. On peut soutenir les médias libres à travers des dons, en participant à des débats, en lisant les journaux et en enseignant aux enfants et personnes âgées comment utiliser les médias en ligne en toute sécurité, sans se perdre dans le flux de fausses informations. Cela signifie que nous soutenons aussi le droit à la liberté d’expression, qui est étroitement lié à la liberté de la presse. Et nous pouvons voter pour des hommes et femmes politiques qui soutiennent ces droits et libertés, en espérant qu’ils légiféreront pour les protéger davantage. Des lois peuvent par exemple être adoptées en vue de réglementer le secteur de la publicité en ligne ou des médias numériques, afin de donner une chance aux petits médias indépendants de rivaliser avec les géants du numérique.