Le projet visant à lancer un nouvel empire médiatique, la Fondation des presses médias d'Europe centrale, le groupe KESMA (acronyme hongrois), aboutirait à une concentration des médias sans précédent dans le pays. L'Autorité de la concurrence (AC) s'est vu empêcher d'enquêter sur la fusion en question, sur décret du gouvernement, ce dernier ayant déclaré que l'affaire était "d'une importance stratégique nationale et dans l'intérêt du public". La fusion soulevant de sérieux doutes concernant sa conformité avec la Constitution, l'HULC a décidé de la contester en justice.
Le gouvernement entend renforcer son pouvoir sur les médias comme jamais
Le groupe KESMA a annoncé la fusion à l'Autorité de la concurrence le 28 novembre 2018, révélant ainsi le lancement d'un conglomérat médiatique pro-gouvernement, qui faisait l'objet de rumeurs depuis un certain temps.
Selon l'annonce, KESMA a acquis 100% des parts de Opus Press Zrt., Echo Hungária TV Zrt., a Magyar Idők Kiadó Kft., et de New Wave Media Group Kommunikációs és Szolgáltató Kft. Selon une analyse tirée d'une investigation du site Átlátszó, la fusion regroupe 476 médias, qui selon le communiqué, ont généré 60 millions de HUF en 2017. Pour plus de précisions, il est possible de consulter cette infographie du site Átlátszó.
Selon les informations trouvées dans le dossier soumis par le groupe KESMA à l'AC, une procédure pénale de concurrence a été engagée par le Fusion Office (bureau de la fusion). Par la suite, le Conseil de la concurrence a accepté de lancée une procédure baptisée "contrôle de la concurrence". Cette procédure a toutefois été suspendue par un décret du gouvernement (le décret 229/2018), publié le 5 décembre 2018, déclarant que la fusion était d'une "importance stratégique nationale". On peut facilement citer les arguments de cette décision, en raison de leur maigreur : le gouvernement a fondé sa décision sur l' "intérêt général". L'utilisation de cette disposition de la loi explique à elle seule que la fusion se voit exemptée d'un examen en vertu de la loi sur la concurrence.
Le jour suivant, l'AC a fermé la procédure, ne disposant pas des pouvoirs nécessaires pour la poursuivre.
Pourquoi cette fusion est-elle anticonstitutionnelle?
Cette fusion pose des problèmes considérables, d'ordre procédural et constitutionnel. Le décret du gouvernement et le fait que l'Autorité de la concurrence n'ait pas pu examiner la question pose de graves problèmes. Nous nous concentrons sur deux de ces problèmes dans cet article et publions notre demande en justice contre la décision de l'Autorité de la concurrence.
Le marché des médias et la pluralité sont gravement affectés par la concentration du KESMA, et dans ces circonstances, il est impossible d'assure une concurrence économique juste. Selon Kreatív Online, plus de la moitié des revenus générés par les journaux papiers seraient versés à KESMA.
La plupart des journaux de la presse locale appartiennent déjà à des hommes d'affaire étroitement liés au gouvernement et ont fortement soutenu le parti au pouvoir, qui en fait ses supports de propagande.
Par exemple, avant les élections législatives de 2018, tous ces journaux locaux ont publié le même sujet de couverture, avec une photo de Viktor Orbán, sous le titre "les deux votes pour Fidesz!". Le lancement de KESMA signifie qu'encore plus de journaux seront sous l'influence du gouvernement, dont Új Dunántúli Napló et sa version en ligne, ainsi que bama.hu dans la région de Baranya, le journal hebdomadaire politique Szabad Föld et le journal d'annonces Szuperinfo.
La contestation judiciaire doit venir d'un concurrent du groupe KESMA
Seul un concurrent de KESMA peut faire appel de cette décision devant un tribunal. Notre client, le plaintif dans la procédure légale, est Szabad Pécs, un journal politique en ligne indépendant, couvrant l'actualité de la région de Baranya et de la ville de Pécs. Le site fonctionne grâce aux revenus de la pub et pourrait se retrouver dans une position très défavorable si la fusion se fait.
Nous estimons également que le décret du gouvernement et que la Loi du parlement sur laquelle ce dernier se fonde, sont tous deux inconstitutionnels. La loi est inconstitutionnelle car elle ne parvient pas à spécifier les conditions auxquelles certains transactions peuvent être exemptes d'une inspection en vertu de la Loi sur la concurrence. Le décret gouvernemental est inconstitutionnel car il enfreint la loi en n'utilisant que deux termes dans son raisonnement (intérêt général). Nous avons aussi demandé à ce que le juge se tourne vers le Tribunal constitutionnel pour un examen approfondi de la question.
La fusion devrait être bloquée ou une verification de la concurrence devrait être conduite
Nous avons aussi requis la supervision judiciaire de la décision l' Autorité de la concurrence. Nous avons demandé à la Cour de changer la décision de l'Autorité de la concurrence et de bloquer la fusion, ou d'obliger l'Autorité de la concurrence à mener une enquête approfondie visant à vérifier le respect de la Loi sur la concurrence.