En plus de changer la Loi fondamentale (la constitution du pays) et le Code pénal, au moyen d'une législation baptisée "Stop Soros", en référence au philanthrope américain (lire l'analyse de l'Union hongroise des libertés civiles en anglais), le gouvernement hongrois a également adopté une nouvelle taxe, appelée la "taxe spécifique à l'immigration".
La nouvelle taxe n'est rien d'autre qu'une restriction très sévère de la liberté d'expression : celles et ceux qui soutiennent l'immigration dans le cadre de leur profession (le faisant donc dans un cadre officiel et légal, par vocation et grâce à l'argent de sympathisant.es), ne peuvent désormais le faire qu'à condition de payer une taxe spéciale de 25%...
La loi "Stop Soros" menace les défenseur.es des droits humains et les lobbyistes de peines d'emprisonnement, et la nouvelle taxation représente quant à elle une menace existentielle pour les organisations actives sur la question de l'immigration. Elle limite fortement la libertés d'expression et le travail quotidien des ONG.
Cette nouvelle législation fiscale est entrée en vigueur la semaine dernière, le 25 août 2018, après avoir été adoptée par le Parlement et signée par le président de Hongrie.
Une loi pour le moins vague
En vertu de cette loi, est redevable de cette taxe spéciale toute organisation qui finance "des actions soutenant l'immigration". En cas de non versement de la taxe, ce sont aux personnes bénéficiant du soutien offert par l'organisation de la payer... La loi précise que le montant de la taxe spéciale s'élève à 25% du soutien financier (ou du soutien en nature) destiné à aider les personnes migrantes ou à soutenir l'immigration. Les revenus tirés de cette taxe spéciale peuvent quant à eux uniquement être investis dans le renforcement de la protection des frontières.
Il nous faut souligner que la loi reste très vague vis-à-vis de la définition de ce que constitue "une activité de soutien à l'immigration". En vertu du texte, l'immigration comprend toute relocalisation définitive d'individus dans un autre pays, depuis leurs pays d'origine, mais cela n'inclut pas les citoyen.nes de l'UE et celles et ceux des pays membres de l'Accord de partenariat économique de l'Union européenne.
Afin qu'une activité soit reconnue comme une "action de soutien à l'immigration", celle-ci doit remplir certains critères. Tout d'abord, elle doit soutenir l'immigration directement ou indirectement. Ensuite, le programme, l'évènement ou l'activité qui constitue cet acte doit rentrer dans l'unes des trois catégories suivantes : les campagnes médiatiques (ce qui comprend l'organisation et participation à des séminaires médiatiques), l'exploitation et le développement de réseau, et/ou les publicités qui traitent l'immigration sous un angle positif.
L'application de cette loi fiscale a été déléguée à l'Autorité fiscale nationale (Afn). La loi ne dit rien sur les aspects qu'auront à prendre en compte les employés de ce service en vue de déterminer dans quelle mesure une action ou activité remplit les critères susmentionnés. Une exemple : un communiqué ou article de presse affirmant que ceux qui maltraitent des citoyens d'un pays tiers doivent être poursuivis en justice devraient-ils être considérés comme des "entités soutenant l'immigration"?
C'est le pluralisme qui est taxé
Montrer l'immigration de manière positive constitue une opinion légitime et se fait dans le cadre du respect de la vie privée, et ce même si cela n'est pas conforme aux opinions du gouvernement. Bien entendu, ce dernier peut ne pas être d'accord avec des points de vue, et peut s'en défendre et en débattre, mais en aucun cas il ne devrait limiter l'expression d'opinions qui sont contraires aux siennes.
Au-delà de la protection de la liberté d'expression, il faut encourager le pluralisme et la diversité des opinions, ainsi que le débat démocratique de la part des législateurs, car tout cela est bénéfique à l'ensemble de la communauté. De nombreuses opinions concernant les aspects positifs de l'immigration peuvent être avancées, y compris des arguments selon lesquels l'immigration peut être bénéfique à l'économie. Il est dans l'intérêt de la population d'autoriser toutes les formes de pensée, de les prendre en compte et de les intégrer dans le processus législatif et le débat public, pour la simple et bonne raison que les décisions nées de cette manière seront davantage fondées et éclairées, prenant en compte tout ce qui a été discuté.
Alors que cette nouvelle loi fiscale n'interdit l'émergence de certains points de vue dans les conversations quotidiennes, elle la limite grandement en introduisant une responsabilité financière pour celles et ceux qui défendent l'immigration. La mise en place d'une telle taxe rend possible de réduire au silences les avis divergents. Par conséquent, cette taxe limite une opinion, qui, en soi, ne fait de pal à personne ni ne porte préjudice aux droits de personne. Dit de manière simple, cette loi consiste en une taxation des opinions qui ne sont pas en accord avec la position officielle du gouvernement.
Force est de constater que la mise en place de la taxe spéciale est liée à deux processus. Le gouvernement, une fois n'est pas coutume, tente de réduire au silence certaines opinions en prenant des mesures visant à gêner et limiter les activités des ONG. En 2013, les partis de la coalition au pouvoir avaient lancé une campagne visant à discréditer les ONG et leur travail. Cette campagne avait atteint un nouveau degré avec la crise migratoire : celles et ceux dont les opinions différaient des positions du gouvernement étaient alors considérés comme des traîtres, et comme une menace à la sécurité nationale.
Dans les communiqués du gouvernement, les représentants de l'ONU et opposants politiques, ainsi que les personnes travaillant pour les ONG (dont les opinions sont divergentes) avaient été dépeints étant à la solde de George Soros, obéissant à ses soi-disantes directives.
En plus de cette campagne de décrédibilisation des ONG, en 2017, le gouvernement a commencé d'adopter une loi visant à faire taire ces mêmes ONG, plus connue sous le nom de Loi anti-ONG, mais officiellement baptisée Loi de Transparence des Organisations financées depuis l'étranger. Bien que la loi dont il est question dans cet article vise principalement à restreindre les opinions et la liberté d'expression au sujet de l'immigration, ces restrictions pourraient bien s'étendre et s'appliquer aux autre activités qui visent à amener le gouvernement à rendre des comptes, et donc contredire ses plans.
Cette loi pourrait tout aussi bien être utilisée pour réduire au silence celles et ceux qui appellent à en finir avec les écoles ségréguées, pour offrir des conditions de vie humaines à tou.t.es, ou qui interpellent des représentants du gouvernements accusés de corruption.