Ici, nous mettons en évidence les différents sujets que nous avons abordé lors de l'interview avec Martin Scheinin, interview que vous pouvez regarder ci-dessous.
Les dangers de la législation vague et générale
De l'avis de Scheinin, le seul moyen efficace de lutter contre le terrorisme est d'adopter une législation très claire. «Si les lois sont vagues et larges, elles finissent par être mal utilisées et dans le pire des cas, elles deviennent contre-productives», dit Scheinin. «Grâce à la caractérisation de toute dissidence comme associée au terrorisme, l'Etat sape sa propre légitimité».
La seule chose qui devrait être criminalisée est l'incitation au terrorisme, mais «il doit y avoir une intention d'inciter d'autres personnes à commettre des actes de terrorisme et un danger objectif que un ou plusieurs actes terroristes sont alors engagés. C'est uniquement dans ce cas là que l'intention doit être criminalisée».
La détention en secret en Espagne est une «anomalie en Europe»
Selon Scheinin, «cette position de l'Espagne, qui insiste sur la détention au secret des suspects terroristes est une vraie anomalie en Europe [...] elle est terriblement erronée».
Les risques de légiférer après une attaque terroriste
«La panique produit des mauvaises lois. Elle produit des lois formulées à tort qui violent les droits de l'homme et ne produit pas une réponse appropriée au terrorisme», dit Scheinin. Le plus gros problème est que les autorités prennent des mesures sans vérifier si les anciennes lois sont bonnes et si elles ont un effet dans la lutte contre le terrorisme. De l'avis de Scheinin, après l'attaque du journal français Charlie Hebdo, nous répétons la même erreur, celle que nous avions faite après 9/11 en adoptant une législation qui constitue «un réel danger pour les libertés civiles».
L'échec du profilage
Scheinin est clair: «Le profilage terroriste est l'un des plus grands échecs venu de la panique après 9/11». En fait, dit-il, «ces efforts n'ont rien donné – c'était une erreur dès le début. Vous commencez par identifier les nationalités et puis vous excluez votre propre nationalité, mais la plupart des vrais terroristes sont vos propres ressortissants. Donc, à la fin, la menace réelle est exclue».
La surveillance de masse: Violation inefficace des droits
«Le grand échec actuel est la surveillance électronique de masse». L'ancien rapporteur spécial de l'ONU affirme que les révélations de Snowden ont montré la quantité de la collecte massive des données, y compris les métadonnées complexes, ce qui révèle un tas d'informations sur les individus, «y compris des informations personnelles sensibles».
«Le problème ne vient pas du fait que la police et les services de renseignement ne savent pas qui ils recherchent» dit-il. «Le problème c'est qu'ils essaient de suivre beaucoup trop de gens à cause de leur obsession de la collecte de données sur tout le monde.» Scheinin estime que la surveillance de masse s'est montrée inefficace dans la lutte contre le terrorisme.
Le droit à la vie privée doit être amélioré
Scheinin regrette que la vie privée n’ait plus «qu’un droit sous-développé, dans le sens où il n'y a pas beaucoup de jurisprudence». Il serait très positif, selon lui, si «le Comité des droits de l'homme adopte une observation générale sur le droit à la vie privée» qui comprend des «limites appropriées sur la façon dont nous évaluons ce qui est illégal ou ce qui est une ingérence arbitraire dans la vie privée» (similaire à la liberté d'expression).
Un nouveau protocole du Conseil de l'Europe sur les combattants terroristes étrangers
«Ce protocole est une illusion, car il prétend lutter contre le phénomène des combattants terroristes étrangers, mais en fait, il est inutile, parce que le terrorisme est défini par rapport à des actes qui ne sont pas commis par des combattants terroristes étrangers». Scheinin pense qu'avec ce protocole, «nous créons un nouveau imbroglio juridique».
Il est urgent de travailler de manière constructive
L'ancien rapporteur lui-même ce prononce en faveur de la promotion des «mesures concrètes pour engager un dialogue avec les communautés, y compris celles où on recrute des terroristes». Il insiste pour que ce type de travail ne doit en aucun cas être «la prévention de la radicalisation», mais plutôt «la prévention du terrorisme». L'objectif est d'empêcher les gens d'être recrutés pour commettre des actes de terrorisme.
Violations des droits de l'homme et la réparation pour les victimes du terrorisme
Scheinin a souligné l'attitude paradoxale de nombreux Etats quand ils sont condamnés pour violation de droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme. Ils ont tendance à dire: «Pourquoi venez-vous ici pour nous critiquer, pourquoi vous ne critiquez pas les terroristes et pourquoi vous ne parlez pas en faveur des droits des victimes du terrorisme?» Selon son expérience, quand on demande à ces gens ce qu'ils font pour promouvoir et protéger les droits des victimes du terrorisme, «très souvent ils se taisent».