Les hommes et femmes politiques disposent de différents moyens pour atteindre leur électorat. Si la rue, la radio ou la télévision étaient autrefois les principaux canaux de communication, la plupart des publicités politiques se font aujourd'hui sur les plateformes des réseaux sociaux.
Les acteurs politiques, comme les partis, les entités liées à ces partis, les candidats à des fonctions publiques ou les membres du gouvernement, peuvent utiliser les données personnelles des utilisateurs des réseaux pour envoyer des messages hautement personnalisés en faveur d'un ou une candidat.e ou d'une proposition politique particulière. Ces messages ciblés peuvent servir de véhicule afin d’induire en erreur, manipuler, discriminer ou démobiliser les électeurs.
En effet, les publicités ciblées peuvent être utilisées pour promettre différentes choses à différentes personnes. Le.la même candidate peut promettre la réduction du prix des carburants, pour convaincre les automobilistes, et dans le même temps, des investissements dans les énergies renouvelables, pour toucher les électeurs sensibles au changement climatique... Au lieu d'enrichir le débat politique, cela crée des chambres d'écho, où les individus trouvent des informations qui reflètent les leurs, renforçant ainsi leur opinion et augmentant la polarisation.
La réaction des législateurs
Depuis le scandale de Cambridge Analytica, les législateurs européens cherchent des moyens d'empêcher les acteurs malveillants de compromettre la tenue d’élections équitables. Alors que la publicité politique hors ligne est déjà réglementée par de nombreux codes électoraux et législations relatifs à la publicité au niveau national, l'espace en ligne est récemment devenu un champ ouvert pour les annonceurs politiques. Or, le Règlement général sur la protection des données (RGPD) et la Directive sur les services numériques (Digital Service Act, DSA) sont deux lois majeures qui visent à créer un espace numérique plus sûr, où nos droits fondamentaux sont protégés.
En novembre 2021, la Commission a proposé un règlement sur la transparence et la publicité politique ciblée dans le but de compléter le RGPD et la Directive sur les services numériques. Cette proposition comporte de nombreux éléments positifs. Elle suggère une définition commune de la publicité politique entre tous les États membres de l'UE, préconise des exigences de transparence strictes pour les annonceurs politiques, reconnaît les effets néfastes des techniques de ciblage et interdit les techniques de ciblage et d'amplification qui s'appuient sur des données sensibles, comme l'orientation sexuelle ou les données médicales.
Cependant, la proposition présente plusieurs lacunes. La proposition de règlement traite les organisations de la société civile (OSC) au même titre que les partis politiques, ce qui fournit aux dirigeants autoritaires populistes un outil juridique pour restreindre arbitrairement leur travail. La proposition ne va pas non plus assez loin pour interdire les publicités politiques ciblées. La limitation des données sensibles n'est pas suffisante, et l'exemption prévue à l'article 12 (2) la rend encore plus faible. En outre, la loi ne prévoit pas de surveillance et d'application significatives.
Mise en place de garanties adéquates : nos suggestions
La Commission a peut-être raté l’occasion de mettre en place des garanties efficaces, mais cela peut être rectifié, car le processus législatif est encore long. Dans notre nouveau document d'orientation politique, nous formulons des recommandations sur la manière de réglementer les publicités politiques dans l'UE. Les voici résumées :
- 1. Champ d'application. Les organisations de la société civile (OSC) diffèrent des acteurs politiques, car elles n'aspirent pas à obtenir un poste politique. Le champ d'application du règlement devrait exclure les OSC qui mènent certaines activités, telles que le processus législatif ou réglementaire. Leur travail consiste à informer les citoyens et à mobiliser le public pour exiger le respect de leurs droits.
- 2. La transparence. Pour garantir une transparence significative, le règlement devrait exiger une transparence en temps réel. Il devrait également charger les autorités compétentes de fournir des bases de données publicitaires multiplateformes contenant des informations détaillées sur les dépenses, la publication, le ciblage et les critères de diffusion de toutes les publicités politiques.
- 3. Ciblage et amplification. La publicité politique ciblée en ligne, en particulier les techniques opaques de ciblage et d'amplification, peut avoir des effets néfastes sur les démocraties. Les annonceurs politiques ne devraient être autorisés à utiliser que les données strictement nécessaires, c'est-à-dire la langue dans les zones et circonscriptions multilingues. Toute possibilité de cibler des personnes sur la base de données sensibles doit être éliminée.
- 4. L'accès aux données. Le règlement devrait imposer aux autorités et aux acteurs politiques l'obligation de répondre aux questions des OSC, des journalistes et des chercheurs agréés, ainsi qu’aux demandes d’accès à l’information / aux documents.