Le rapport examine des manifestations de racisme et xénophobie entre les 15 mars et 2 mai 2020, pendant l'état d'alerte déclaré dans le contexte de l'épidémie de Covid-19.
L'enquête inclut plus de 70 incidents racistes et pratiques institutionnelles discriminatoires, dont 45% concernent des violations affectant un groupe en particulier. La Communauté de Madrid est la région comptant le nombre de plaintes le plus élevé (40%), devant la Catalogne (21%) et le Pays basque (8%). Le groupe comptant le plus grand nombre de victimes comprend les personnes qui s'identifient comme noires ou de descendance africaine (32%), suivis par les Arabes musulmans (30%) et les Latino-américains (8%).
Contrôle au faciès
Dans un contexte de forte présence policière, l'usage du profilage ethnique ou contrôle au faciès a fait l'objet de nombreuses plaintes. L'association SOS Racismo Madrid rapporte 13 incidents de contrôles/fouilles à caractère raciste visant des personnes qui allaient simplement faire leurs courses alimentaires entre les 15 mars et 7 avril. Ces contrôles sont intimidants pour celles et sont affectés, les amenant à s'isoler davantage, et les empêchant de sortir pour faire des courses et subvenir à leurs besoins. Au regard de cette situation, cette pratique devrait être rendue illégale et les formulaires de contrôles de police, qui permettent de collecter des données empiriques objectives, dont l'origine ethnique et la nationalité, devraient être utilisées.
Violences policières
70% des personnes participant à l'enquête en ligne ont mentionné des contrôles à caractère racistes précédant des violences policières. On compte aussi de nombreux cas de fonctionnaires de police agissant violemment à l'égard de personnes atteints de maladies mentales ou de troubles mentaux. L'un de ces incidents, couvert par les médias, s'est déroulé à Bilbao. L'Ertzaintza (force de police basque) a violemment arrêté un jeune Nord-africain qui faisait ses courses et qui souffre d'une maladie mentale. Ils ont agit de la même façon avec la mère de cette personne, lorsque que cette dernière tentait de leur expliquer la maladie de son fils. Toute violence de la part des policiers doit faire l'objet d'une enquête rapide et effective. Pour ce faire, des mécanismes de plainte et des garanties doivent être renforcées via la création d'un mécanisme de contrôle et de responsabilisation pour tous les corps chargés du maintien de l'ordre et du respect de la loi.
Travail ménager
On compte approximativement 600 000 personnes qui travaillent dans les domaines du travail domestique ou ménager et du soin, et la plupart sont des femmes migrantes. Près de 30% des travailleuses et travailleurs domestiques n'ont pas de contrat de travail et par conséquent se trouvent dans des situations administratives irrégulières. Selon l'ONG Servicio Doméstico Activo (SEDOAC) [Service domestique actif], ces femmes sont davantage susceptibles d'être identifiées et se voir imposer des amendes car elles ne peuvent fournir d'attestation de travail ou contrat afin de prouver la nécessité de se déplacer pour aller sur leur lieu de travail. Les mesures sociales et économiques adoptées pour faire face à la crise sanitaire laissent les femmes migrantes dans une situation difficile. Le gouvernement espagnol devrait ratifier la Convention de l'Organisation internationale du Travail relative aux travailleuses et travailleurs domestiques pour promouvoir une protection effective de leurs droits.
Vente ambulante
Selon le Sindicato de Manteros (Syndicat des vendeurs ambulants) de Madrid, la plupart des travailleurs de ce secteur se trouvent dans une situation administrative irrégulière et nombreux d'entre eux ont indiqué que, pendant le confinement, ils ne sont pas sortis pour mener des activités pourtant autorisées de peur des contrôles au faciès et violences de la police. En outre, leurs conditions de vie se sont aggravées en raison du fait que nombre d'entre eux vivent dans des logements surpeuplés et ne respectant pas les normes, et ont souffert du harcèlement des propriétaires en cas de non versement du loyer lié aux manques de revenus (causés par la crise).
Victimes de la traite et de l'exploitation sexuelle
Les ONG ont signalé, depuis l'adoption de l'état d'alerte, il a été encore plus difficile pour les victimes de l'exploitation sexuelle d'accéder à se services de santé. Elles ont été victimes de plus de violences et ont vu leur dettes s'accroître. De même, plusieurs ONG ont indiqué que nombre de ces travailleuses.eurs ont été obligés de continuer à travailler, malgré le confinement, avec un risque très élevé de contraction de la maladie. Bien que la Délégation gouvernementale contre les violences fondées sur le genre ait approuvé un Plant d'urgence contre ce type de violences, qui concernent aussi les victimes de la traite, de l'exploitation sexuelle et d'autres femmes dans le contexte de la prostitution, la mesure ne reconnaît pas la situation de trafic ou traite des victimes, et n'offre pas non plus de régime de protection global à ce groupe. Lorsque la victime est étrangère et se trouve dans une situation administrative irrégulière, elle continue d'être exposée au risque d'expulsion d'Espagne.
Discours de haine
Alors que les fake news et discours de haine visant les personnes d'origine asiatique sont allées bon train depuis le début de la pandémie, le Conseil pour l'élimination de la discrimination raciale ou ethnique indique que les discours de haine visant les populations roms ont également été largement diffusés sur les réseaux sociaux et messageries instantanées. Le Conseil souligne aussi le traitement stigmatisant fait par certains médias concernant l'origine et la propagation du virus de la Covid-19 ou de présupposés non-respects de la quarantaine, faisant référence à l'origine ethnique des personnes concernée par ces accusations. Les discours de haine doivent eux aussi faire l'objet d'enquêtes rapides et effectives.
Suspension des procédures administratives, judiciaires et policières pour les résidents étrangers
La fermeture des administrations publiques, tout comme la suspension des procédures de protection internationales et la réduction des services judiciaires, sans que ne soit prévu des alternatives pour les cas les plus vulnérables, a provoqué un sentiment d'abandon et manque d'accès aux droits, et notamment au droit d'asile. En outre, l'impact sur l'accès aux droits sociaux et économiques des migrants dont la situation administrative est irrégulière est devenu évident avec la fermeture des administrations qui enregistrent leur séjour dans les municipalités où ils résident. La situation administrative des migrants en Espagne doit être régularisée, garantissant l'exercice de leurs pleins droits ainsi qu'un accès égal à la santé et à un logement décent.
Les demandeur.euse.s d'asile et réfugié.e.s
Plusieurs ONG ont aussi souligné le fait que, pendant l'état d'alerte, les droits fondamentaux des personnes réfugiées et demandeurs d'asile ont été restreints pour des raisons de santé publique. L'ONG Coordinadora de Barrios a dénoncé les conditions de 55 personnes à Melilla, qui s'y étaient rendus pour demander l'asile et ont été hébergés par le gouvernement de région dans des tentes sans isolation thermique, sans système d'aération et sans conditions sécuritaires et sanitaires suffisantes dans le contexte de la pandémie. Le Forum tunisien pour les droits sociaux et économiques a signalé que 1 650 personnes ont vécu pendant des mois dans le Centre de séjour temporaire pour immigrants (CSTI) à Melilla, dont la capacité d'accueil maximale est de 782 personnes. Parmi les personnes y séjournant, on compte des demandeurs d'asile, femmes enceintes, mineurs, personnes malades et personnes à besoins particuliers.
Vous pouvez lire le rapport complet, contenant l'ensemble des recommandations, ici (en anglais). Il est désormais temps de reconstruire une société plus inclusive, plus forte, plus solidaire et égalitaire.