Le 19 mars dernier, la Cour européenne des droits de l'Homme a rendu son verdict et condamné la Roumanie pour avoir violé le droit à l'éducation (Article 2 du Protocole nº1 de la Convention) de Marian Flămânzeanu, une personne privée de liberté.
Le détenu s'est vu refuser le droit à un enseignement secondaire
En 2008, Marian Flămânzeanu, âgé de 27 ans, a été incarcéré la prison roumaine de Rahova pour vol. C'est dans cette prison qu'il avait pu suivre des cours équivalents aux dernières années de l'enseignement primaire, qu'il a validé en 2009.
En 2010, il est transféré dans la prison de Jilava, où il présente de nombreuses demandes en vue de commencer son enseignement secondaire. La prison engage des discussions avec la Direction de l'éducation, mais conclut finalement que, compte tenu du nombre réduit de détenus éligibles, des cours spéciaux d'enseignement secondaire ne peuvent être mis en place.
Flămînzeanu est autorisé à se présenter devant le juge délégué de la prison, et peut ainsi tenter de porter plainte car son droit d'accès à l'éducation a été violé. Le juge rejette alors sa plainte, considérée comme injustifiée, estimant que l'administration pénitentiaire a fait tout ce qui était en son pouvoir, et qu'elle n'était pas en mesure de fournir un professeur pour un seul élève. M. Flămînzeanu fait ensuite appel de cette décision devant le Tribunal de Bucarest, qui à son tour rejette sa requête.
En 2011, alors qu'il se trouve encore en détention, Marian Flămînzeanu écrit à l'ONG APADOR-CH, en vue d'obtenir de l'aide pour écrire à la CrEDH. C'est Nicoleta Popescu, avocate de l'ONG, qui se voit confier cette affaire.
Le gouvernement roumain affirme avoir fait tout ce qui était en son pouvoir
M. Flămînzeanu s'appuie sur la loi 84/1995, qui stipule que l'enseignement est obligatoire jusqu'à la Seconde (16 ans), et sur la loi 275/2006 sur l'application des peines, qui stipule également qu'il est obligatoire que les détenu.e.s suivent des cours éducatifs obligatoires lors de leur séjour en prison. Le requérant souligne également l'importance du rôle de l'enseignement à l'heure de chercher et trouver un emploi à sa sortie de prison.
Le gouvernement roumain s'est quant à lui défendu devant la Cour européenne des droits de l'Homme, affirmant que les États avaient une grande marge de main d'oeuvre à l'heure d'organiser leur système éducatif, et que cela dépend largement des besoins et ressources de la communauté en question. Dans le cas présent, l'État estime qu'il a essayé d'offrir des opportunités éducatives au détenu, mais faire intervenir un professeur pour un groupe de trois à cinq détenus aurait coûté trop d'argent.
La CrEDH donne raison au plaintif
La CrEDH a admis que le droit à l'éducation n'est pas absolu, mais remarque que les autorités roumaines n'ont pas pris les mesures suffisantes en vue de trouver des solutions dans le cas de M. Flămânzeanu.
La Cour estime que les arguments avancés par le gouvernement roumain ne sont pas convaincants, et, sur les bases des éléments fournis, a déclaré que le refus d'inscrire le détenu à des cours d'enseignement secondaire ne répondait pas à un objectif proportionné et légitime.
Aussi la Cour a-t-elle constaté dans cette affaire une violation de l'Article 2 du protocole nº1, qui stipule que personne ne doit être privé du droit à l'éducation. Marian Flămînzeanu a reçu 2000 euros de dommages et intérêts.