La Cour suprême espagnole a condamné le chanteur du groupe Def con Dos, César Strawberry, à un an de prison, pour le crime "glorification du terrorisme" et pour avoir humilié des victimes du terrorisme.
Les infractions dont il était accusé remontent à novembre et janvier 2014, où il avait ri sur son compte twitter de certaines victimes d'attentas et critiqué certaines autorités publiques, souhaitant leur mort.
Le verdict de la Cour suprême espagnole renverse l'acquittement du chanteur prononcé par la Haute cour nationale, une décision dont le procureur public avait rapidement fait appel. La Cour suprême a estimé que les messages étaient humiliants et de l'ordre de la moquerie, "alimentant les discours de haine, légitimant le terrorisme comme un moyen de résoudre un conflit social, et obligeant les victimes à se souvenir des expériences liées aux menaces, enlèvements ou meurtres d'un membre de la famille".
"Terrible" pour la liberté d'expression
La Cour suprême espagnole ne partage pas l'avis de la Haute cour nationale selon laquelle les message transmettaient une "critique de la situation sociale et politique" et étaient de "nature pacifique et exclusivement culturelle", et étaient donc protégés en vertu du droit à la liberté d'expression.
L'Observatoire des droits civils et Libertés publiques ont publié sur le blog de Rights International Spain un article qui analyse et critique le jugement rendu par la Cour suprême.
Selon cet article, le jugement constitue "une terrible nouvelle pour la liberté d'expression, en accord avec la "désactivation" graduelle des droits fondamentaux menée par les autorités publiques, et dans cette affaire par le système judiciaire".
L'article poursuit en expliquant que "à un niveau officiel, le jugement semble prendre en considération le droit à la liberté d'expression tout comme le ferait la Cour européenne des droits de l'homme" mais "le problème émerge quand la limitation de ce droit (qui devrait être exceptionnelle) devient, non pas la norme mais quelque chose d'habituel, à la portée de certaines politiques, intérêts, idéologies, dû à la disparition du système juridique et des garanties légales inscrites dans la constitution pour la protection des droits fondamentaux des citoyens".
"Hors contexte"
L'Observatoire observe les risques représentés par le concept de discours de haine dans la mesure où "cela est devenu un véritable slogan, un ingrédient clef, qui sert de béquille et d'excuse permettant à certains acteurs du judiciaire reconnus comme conservateurs d'imposer leurs perspectives, pouvant mener à des restrictions du droit à la liberté d'expression. Cela ajoute une pierre au mur que certains voudraient voir s'ériger autour des citoyens, au profit de certaines idéologies.
Dans cette affaire, l'Observatoire estime que "la Cour suprême a choisi d'analyser ces commentaires en dehors de leur contexte, de manière purement formelle, littéraire, biaisée et partiale, alors qu'il sont des propos clairement culturels et politiques ce que la Cour refuse d'accepter. Les juges considèrent ces propos haineux et par conséquent n'hésite pas à les reconnaître comme un 'discours haineux' ".
À cet égard, l'article avance que, "en évaluant la protection de la liberté d'expression, il est important de distinguer clairement le type de discours en question. Le degré avec lequel la liberté doit être protégée dépend du type d'expression qui est en jeu. Cela est non seulement déterminé par le contenu des propos, mais aussi par le ton et la forme du message. Le droit à la liberté d'expression comprend la liberté d'opinion et particulièrement la liberté d'opinion politique, ainsi que la liberté d'expression culturelle dans toutes ses formes et manifestations. Il existe de nombreux facteurs à prendre en compte à l'heure d'évaluer des propos donnés et de reconnaître leur protection quand ils constituent l'exercice d'un droit fondamental".
Le dernier mot n'a pas été dit
Selon l'Observatoire, "le verdict de la Cour suprême abonne cette position et attaque les propos de nature politique et culturelle du chanteur de la pire des manières qu'il soit: en niant leur caractère politique et utilisant un langage totalitaire de négation et d'exclusion. Le jugement de la Cour ne prend pas en compte ni ne respecte les idées des autres. Il affronte l'accusé de manière intolérante, en utilisant un contre-discours qui est très correct dans la forme, mais extrêmement violent dans le fond, rien de moins que l'imposition autoritaire d'une opinion sans réelle analyse juridique".
L'Observatoire des droits civils et Libertés publiques ont conclu que "ce n'était pas la première fois que la Cour suprême agissait de la sorte, prouvant qu'elle outrepassait ses pouvoirs. Toutefois, le dernier mot n'a pas été dit, puisque le Tribunal constitutionnel va donner son avis et, si nécessaire, la Cour européenne des droits de l'homme donnera le sien. C'est par ailleurs la Cour la mieux placer pour traiter cette affaire puisqu'elle n'est pas conditionnée par le sectarisme idéologique et le manque de garanties constitutionnelles qui caractérisent nos plus hautes cours quand celles-c se voient confronter à ce type de question".