Des personnes puissantes, telles que les hommes et femmes politiques ou chef.fe.s d’entreprises harcèlent de manière routinière les organisations de défense des droits et de la démocratie, à travers des intimidations judiciaires, afin de ne pas avoir à rendre de compte aux citoyen.ne.s. À Liberties, nous mettons tout en œuvre depuis plusieurs années pour nous assurer que l’UE prend des mesures afin de protéger les journalistes d’investigation, les défenseurs des droits et celles et ceux qui défendent les intérêts du public face à ces poursuites stratégiques contre la mobilisation publique, plus connues sous le nom de SLAPPs en anglais (Strategic Lawsuit Against Public Participation).
Un danger pour la démocratie
Il y a un an, Liberties a rejoint un groupe d’ONG européennes afin de demander instamment aux législateurs européens de prendre des mesures et de mettre un terme à ces poursuites judiciaires abusives, utilisées par les puissants pour réduire au silence les voix critiques. Des progrès ont été réalisés depuis, mais la lutte continue.
Les poursuites stratégiques contre la mobilisation publique sont une véritable arme dans les mains de ceux qui veulent nous empêcher de faire entendre notre voix et donner notre avis sur des questions qui nous concernent tou.te.s. Il s’agit d’une forme très puissante de censure visant à rétrécir l’espace du débat démocratique.
Les « SLAPPs » sont donc des poursuites stratégiques contre la mobilisation publique, et le terme slap désigne également une « gifle » en anglais. Il s’agit ici de poursuites judiciaires abusives dont le seul but est d’épuiser les ressources des ONG, porter atteinte à leur réputation et détruire la vie privée des personnes visées. Les PDG, politiques et figures publiques utilisent leur fortune et pouvoir pour poursuivre en justice des journalistes, activistes et défenseurs des droits qui informent le public sur des mauvaises pratiques. Ceux qui engagent ces procédures savent en général qu’ils ne gagneront pas le procès, mais cela leur permet de nuire considérablement à ceux qu’ils attaquent, car les procédures très coûteuses peuvent traîner sur plusieurs années. Leur objectif est donc de faire taire les critiques et de faire peur à toutes celles et ceux qui voudraient enquêter et informer sur leurs méfaits.
Les poursuites judiciaires abusives sont de plus en plus utilisées au sein de l’UE et plus généralement en Europe, et ce pour intimider les journalistes, défenseurs des droits humains, de l’environnement, les ONG, les lanceurs d’alerte et les universitaires. Les informations collectées par Liberties et ses ONG partenaires, compilées dans un récent rapport, montrent que de telles poursuite visent des journalistes et ONG en Hongrie, Pologne et Slovénie, et s’inscrivent dans une logique d’attaques contre les médias et la société civile. Le recours à ces poursuites est aussi de plus en plus fort dans d’autres pays comme la Bulgarie, la Croatie, l’Irlande, l’Italie, la Slovaquie, la Slovénie et l’Espagne. La Commission européenne a reconnu ce problème dans son premier rapport sur la situation de l’état de droit dans l’UE et lui consacrera une plus grande attention dans son prochain rapport prévue pour cette année.
Les journalistes, activistes et défenseurs des droits contribuent au bon fonctionnement de la démocratie. À travers leur travail, ils font la lumière sur les pratiques illégales et la corruption. Ils permettent aux citoyens de former des opinions éclairées et influencent les décisions de ceux qui sont au pouvoir. C’est pourquoi les gouvernements illibéraux ne les aiment pas. C’est aussi la raison pour laquelle Liberties n'a de cesse de redoubler d’efforts pour les protéger. Ces poursuites abusives permettent aux puissants d’utiliser à mauvais escient nos lois et notre système judiciaire pour faire taire ceux qui les critiquent. Cela a pour effet d’exclure les citoyen.ne.s de notre système démocratique.
Nous appelons l’UE à remplir son rôle
Les poursuites judiciaires abusives menacent nos démocraties au sein de l'UE. Mais aucun pays de l’UE ne dispose de règles décentes en vue de mettre un terme à ces pratiques. Au vu de l’ampleur du problème, l’UE a donc un rôle déterminant à jouer pour régler cette question.
Les poursuites judiciaires abusives sont contraires aux valeurs démocratiques, à l’état de droit et au respect des droits humains, des valeurs sur lesquelles l’UE a été fondée. Elles ont aussi un impact indiscutable sur le marché interne de l’UE, dans la mesure où elles visent à réduire au silence celles et ceux qui exposent les mauvaises pratiques et la corruption. Elles encouragent une mauvaise interprétation des règles européennes dans des domaines tels que les droits d’auteur ou la protection des données et elles empêchent les journalistes, les médias et la société civile de mener librement leur travail. Elles ont aussi un impact sur le système judiciaire de l’UE, qui repose sur l’interconnexion des systèmes judicaires nationaux que ce type de poursuites rend vulnérables (en les sursollicitant et en pratiquant le forum shopping). L’adoption de mesures européennes visant à contrer ces poursuites abusives, et la mise en place d’une loi anti-SLAPP prévoyant un niveau de protection élevé et uniforme dans l’ensemble des pays membres de l’UE, changerait réellement la donne et servirait de modèle au-delà des frontières de l’UE.
Alors que la Commission européenne dévoilait son Plan d’action pour la démocratie européenne, Liberties s’est engagée dans une coalition de plus de 60 ONG afin de diriger l’élaboration et la publication d’un modèle de loi anti-SLAPP. L’objectif est d’inspirer et appeler les législateurs européens à mettre en place des règles qui protègent les défenseurs des droits de ces pratiques abusives.
Le chemin a été long, et le combat continue. Après que la Commission européenne a finalement répondu favorablement à nos appels et annoncé son intention de faire une proposition concernant les SLAPPs avant la fin 2021, Liberties et d’autres ONG partenaires ont contribué au travail d’un groupe d’experts sélectionnés par la Commission. Liberties et ses partenaires ont aussi prodigué leurs conseils au Parlement européenne afin de mettre en place une résolution forte, reflétant l’engagement du Parlement à soutenir des mesures européennes efficaces en vue de contrer les SLAPPs. Nous avons également discuté avec de nombreux gouvernements européens sur cette question.
Dans le même temps, la coalition informelle d’ONG est devenue la CASE (Coalition Against SLAPPs in Europe). La coaltion CASE a récemment lancé un site internet dédié qui héberge des documents de recherche faisant étant des cas de poursuites judiciaires abusives dans l’UE. Le site contient aussi des informations et ressources utiles pour les victimes de SLAPPs. Il rend aussi compte des efforts menés pour demander des mesures de protection globales et des réformes. Vous pouvez vous rendre sur ce site et notamment lire nos propositions pour un modèle de Directive anti-SLAPP et notre appel au Conseil de l’Europe à faire émettre des recommandations. Vous pouvez aussi vous informer de manière ludique, avec notre concours « European SLAPP contest », et découvrir quelles sont les entreprises ou figures qui raffollent le plus des SLAPPs.
Agissez dès maintenant : demandez à l’UE de défendre la démocratie !
Nos efforts ont conduit les législateurs européens à reconnaître l’ampleur et l’impact des poursuites judiciaires abusives dans l’UE et à travailler sur des mesures visant à les contrer.
Le débat sur la nécessité de mieux protéger la liberté d’expression dans l’UE s’intensifie et le temps est venu de nous appuyer sur les progrès réalisés et nous assurer que des mesures concrètes soient mises en place de manière urgente au niveau de l’UE. Nous avons besoin de votre aide !
Demandez à l’UE de défendre la démocratie. Signez la pétition et soutenez notre appel envoyé à la Vice-Président de la Commission européenne, Vera Jourová, et au Commissaire à la justice, Didier Reynders, à introduire une législation anti-SLAPPs et à mettre un terme à ces pratiques.